Depuis 1977,
sans discontinuer, les Rennais ont la particularité d’avoir toujours voté à
gauche. Ils ont aujourd'hui la chance d'avoir deux maires socialistes : Emmanuel Couet et
Nathalie Appéré. Avec le sentiment parfois, en parcourant l’unique
quotidien local, de ne plus trop savoir qui est
responsable de quoi, chacun s'accaparant les réalisations les plus prestigieuses de la ville : Métro ou Champs Libres, et surtout le Couvent des Jacobin, qui en est le dernier exemple.
A cette particularité,
s’en ajoute une autre tout aussi symbolique : « Je suis fière que Rennes, parmi les grandes villes de France, soit une
nouvelle fois en première ligne de la victoire contre le Front national »,
déclare Nathalie Appéré dans un communiqué paru dans Ouest-France le 8 mai 2017, à l’issue du second tour des élections
présidentielles qui a vu Emmanuel Macron obtenir 88, 4 % des voix
(France : 66, 10) et Marine Le Pen 11, 6 % (France : 33, 90). Après
Paris, la capitale bretonne peut en effet s’enorgueillir d’être la seconde
ville importante de France où la candidate du Front National réalise son plus
faible score.
Plus
intéressants sont les résultats du premier tour. Le 25 avril 2017, Ouest-France titrait : « Rennes n’est pas bleu marine » avec
31,86 % des voix pour Emmanuel Macron, contre 24,01 % au niveau national, et
6,70 % pour Marine Le Pen, contre 21,30 % au niveau national. Le journal ajoute :
« Sous les 5 % dans un tiers des bureaux, Marine Le Pen n’a pas séduit
l’électorat rennais. Un seul bureau, le 524, dans le secteur Sarah-Bernardt, à
Bréquigny, lui offre un score au niveau de sa performance nationale : 21,67
%. ». Cette anomalie, dans une ville où par un effet de force centrifuge le
vote Front National a été repoussé au-delà des limites de la Métropole, est
assez curieuse. On sait que le vote Front National se nourrit du rejet de l'autre, de l'immigration, du chômage ou de l'insécurité, ce qui ne caractérise par particulièrement ce quartier.
Le bureau de vote 524 est situé dans l’école Jacques Prévert, qui n’en
peut mais. On dénombre 1137 électeurs inscrits sur la liste électorale, dont
842 on voté au 1er tour. Emmanuel Macron est arrivé en tête avec 222
voix (26,88 %), talonné par Marine Le Pen et ses 179 voix (21,67 %). C’est un
secteur très dense en forme de triangle, délimité par le boulevard Clémenceau, le boulevard
de l’Yser et la rue Louis et René Moine, plus le square Louis Jouvet. Sa
particularité est d’être situé juste en
face de l’imposante caserne de gendarmerie, qui se trouve de l’autre côté du
boulevard Clémenceau. Faudrait-il y voir un lien de cause à effet ?
Ouest-France, 15 septembre 1945 |
Plusieurs sondages et enquêtes sérieuses sur les intentions de vote de ce
que l’on appelait autrefois « Le sabre et le goupillon », indiquent en
effet que les policiers et gendarmes votent à 50 % pour le Front National et
les catholiques pratiquants à 38 %. Ce qui est nettement plus que la moyenne
nationale. Écartons les bigotes, et concentrons notre regard sur les gendarmes,
qui n’ont, rappelons-le, obtenu le droit de vote qu’en 1945. Contrairement aux
policiers, ils sont encasernés, ce qui permet de mieux cerner leurs votes. On
recense environ 200 militaires à la caserne Maurice Guillaudot. Or, une grande
partie, sinon la totalité de ces gendarmes et leurs conjointes ou conjoints,
résident dans deux ou trois grands bâtiments collectifs situés sur un terrain
militaire, lui-même situé au centre du périmètre électoral du bureau 524. Une
analyse plus fine permettrait de savoir quelle place occupent ces militaires et
leurs familles sur la liste électorale du bureau. Ce doit être un pourcentage non
négligeable d’électeurs sur un même secteur. Tous ne partagent pas les idées de
Marine Le Pen, loin s’en faut. Cependant, si l’on considère qu’il n’y a aucune
raison pour que ces gendarmes votent autrement que leurs collègues d’autres casernes en
France, force est de constater qu’ils pèsent de tout leur poids électoral dans
les résultats de ce bureau atypique.
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