vendredi 1 février 2019

Une curieuse enclave électorale d'extrême-droite dans Rennes la socialiste

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Depuis 1977, sans discontinuer, les Rennais ont la particularité d’avoir toujours voté à gauche. Ils ont aujourd'hui la chance d'avoir deux maires socialistes : Emmanuel Couet et Nathalie Appéré. Avec le sentiment parfois, en parcourant l’unique quotidien local, de ne plus trop savoir qui est responsable de quoi, chacun s'accaparant les réalisations les plus prestigieuses de la ville : Métro ou Champs Libres, et surtout le Couvent des Jacobin, qui en est le dernier exemple.
A cette particularité, s’en ajoute une autre tout aussi symbolique : « Je suis fière que Rennes, parmi les grandes villes de France, soit une nouvelle fois en première ligne de la victoire contre le Front national », déclare Nathalie Appéré dans un communiqué paru dans Ouest-France le 8 mai 2017, à l’issue du second tour des élections présidentielles qui a vu Emmanuel Macron obtenir 88, 4 % des voix (France : 66, 10) et Marine Le Pen 11, 6 % (France : 33, 90). Après Paris, la capitale bretonne peut en effet s’enorgueillir d’être la seconde ville importante de France où la candidate du Front National réalise son plus faible score.
Plus intéressants sont les résultats du premier tour. Le 25 avril 2017, Ouest-France titrait : « Rennes n’est pas bleu marine » avec 31,86 % des voix pour Emmanuel Macron, contre 24,01 % au niveau national, et 6,70 % pour Marine Le Pen, contre 21,30 % au niveau national. Le journal ajoute : « Sous les 5 % dans un tiers des bureaux, Marine Le Pen n’a pas séduit l’électorat rennais. Un seul bureau, le 524, dans le secteur Sarah-Bernardt, à Bréquigny, lui offre un score au niveau de sa performance nationale : 21,67 %. ». Cette anomalie, dans une ville où par un effet de force centrifuge le vote Front National a été repoussé au-delà des limites de la Métropole, est assez curieuse. On sait que le vote Front National se nourrit du rejet de l'autre, de l'immigration, du chômage ou de l'insécurité, ce qui ne caractérise par particulièrement ce quartier.
Le bureau de vote 524 est situé dans l’école Jacques Prévert, qui n’en peut mais. On dénombre 1137 électeurs inscrits sur la liste électorale, dont 842 on voté au 1er tour. Emmanuel Macron est arrivé en tête avec 222 voix (26,88 %), talonné par Marine Le Pen et ses 179 voix (21,67 %). C’est un secteur très dense en forme de triangle, délimité par le boulevard Clémenceau, le boulevard de l’Yser et la rue Louis et René Moine, plus le square Louis Jouvet. Sa particularité est d’être  situé juste en face de l’imposante caserne de gendarmerie, qui se trouve de l’autre côté du boulevard Clémenceau. Faudrait-il y voir un lien de cause à effet ?
Ouest-France, 15 septembre 1945
Plusieurs sondages et enquêtes sérieuses sur les intentions de vote de ce que l’on appelait autrefois « Le sabre et le goupillon », indiquent en effet que les policiers et gendarmes votent à 50 % pour le Front National et les catholiques pratiquants à 38 %. Ce qui est nettement plus que la moyenne nationale. Écartons les bigotes, et concentrons notre regard sur les gendarmes, qui n’ont, rappelons-le, obtenu le droit de vote qu’en 1945. Contrairement aux policiers, ils sont encasernés, ce qui permet de mieux cerner leurs votes. On recense environ 200 militaires à la caserne Maurice Guillaudot. Or, une grande partie, sinon la totalité de ces gendarmes et leurs conjointes ou conjoints, résident dans deux ou trois grands bâtiments collectifs situés sur un terrain militaire, lui-même situé au centre du périmètre électoral du bureau 524. Une analyse plus fine permettrait de savoir quelle place occupent ces militaires et leurs familles sur la liste électorale du bureau. Ce doit être un pourcentage non négligeable d’électeurs sur un même secteur. Tous ne partagent pas les idées de Marine Le Pen, loin s’en faut. Cependant, si l’on considère qu’il n’y a aucune raison pour que ces gendarmes votent autrement que leurs collègues d’autres casernes en France, force est de constater qu’ils pèsent de tout leur poids électoral dans les résultats de ce bureau atypique.

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