vendredi 14 février 2020

L'arrestation de Pierre et Jean-Marie Dupouy

Article du journal Le Télégramme, Steven Lecornu
Le 6 janvier dernier, j'ai écrit à M. Stéphane Le Doaré, Maire de Pont-l'Abbé, lequel n'a toujours pas eu la courtoisie de me répondre, pour lui demander des précisions à propos de ses déclarations sur Youenn Drezen, présenté comme un délateur. Accusations d'autant plus graves que des personnes mal informées ne manqueront pas de faire un lien avec l'arrestation, suivie d'une déportation, des deux fils d'Auguste Dupouy, dont la rue jouxte celle de Drezen, qui n'a rien à voir avec ces dénonciations.
Pierre Dupouy
Pierre Dupouy, né en 1916, et son frère Jean-Marie, né en 1920, étaient tous les deux membres du réseau Turma-Vengeance, l'un des plus importants mouvements de résistance en France, bien implanté en Bretagne. Le 20 avril 1944, les Allemands effectuent une descente de police à l'Hôtel du Cheval d'Or, place de la Gare à Rennes, dont la propriétaire est Mme Tanguy, membre du réseau Bordeaux-Loupiac, où doit se tenir une importante réunion de résistants sur l'organisation de parachutages d'armes. Tout le monde est arrêté puis emmené prison Jacques Cartier. Au même moment, en lien avec ces arrestations, les Allemands, accompagné de deux agents français du SD, font une rafle au café de Paris, rue Châteaurenault à Rennes. Parmi les résistants arrêtés, se trouvent les deux frères Dupouy et Joseph Meingan, 31 ans, chef de bureau aux Assurances sociales de Quimper, membre des Corps Francs de Turma-Vengeance et ancien responsable régional du Bureau des Opérations Aériennes (BOA) de Londres. Le 11 septembre 1945, après son retour de déportation, il témoigne : "J'ai été arrêté le 20 avril 1944, place de la Mairie à Rennes, à ma sortie du café de Paris, rue Châteaurenault. Ceux qui m'ont arrêté sont les nommés Le Ruyet et Gellier, agents de la Gestapo. Ils me conduisirent immédiatement, sous la menace de leurs revolvers à la Standortkommandantur. Après examen de mes papiers, je fus emmené rue Jules Ferry au siège de la Gestapo où je retrouvais mes camarades qui avaient été pris dans la rafle de l'Hôtel du Cheval d'Or. Ici nous avons subit un interrogatoire de trois jours et trois nuits, avec tortures. Le Ruyet et Gellier étaient les premiers à me matraquer et à me frapper. Le Ruyet s'est même fait prendre à partie par les Allemands pour sa violence. Il s'était fait mal aux mains à force de me frapper et il ne pouvait même plus écrire (1). J'ai également eu Hervé qui est venu m'interroger et me frapper mais beaucoup moins violemment que les autres (2). Comme autres mauvais traitements, j'ai subit les immersions dans la baignoire et la chaise électrique. J'ai ensuite été emmené à Jacques Cartier en cellule, j'ai été déporté en Allemagne par le convoi du 2 août 1944. J'ai fait successivement la prison de Belfort, les camps de Natzweiler, Dachau, les kommandos de travail d'Allact et d'Haslach; à ce dernier je suis tombé définitivement paralysé. En février 1945, j'ai été transporté au camp de repos de Weigen, où j'ai pris le typhus. C'est là que j'ai été libéré le 8 avril 1945, par les troupes françaises."
Jean-Marie Dupouy
Jean-Marie Dupouy est mort le 20 avril 1945, peu de temps avant son rapatriement du camp de Bergen-Belsen. Son frère Pierre est mort le 18 avril 1945, sur le Cap Arcona, un navire de luxe allemand transformé en camp de concentration flottant dans la baie de Lübeck-Neustadt. Les conditions de vie à bord du bateau étaient effroyables. Le navire sera bombardé puis coulé par l'aviation britannique le 3 mai 1945. 
(1) Joseph Le Ruyet, qui avait été exclu du PNB, était interprète au SD. Il sera fusillé à la Libération. 
(2) René-Yves Hervé, agent du SD qui avait infiltré le groupe Gallais de Fougères. Je lui ai consacré un chapitre dans mon livre Agents du Reich en Bretagne.