samedi 16 décembre 2017

Butte de la Maltière. 75 ème anniversaire des exécutions du 30 décembre 1942



Le 16 avril dernier, sur ce blog, j’avais exprimé mes réserves à propos d’une plaque de marbre où étaient inscrits les noms de 79 résistants fusillés à la butte de la Maltière. Après plusieurs recherches au service des Archives d’Ille-et-Vilaine (ADIV) et aux archives de la ville de Rennes, ainsi qu’à la mairie de Saint-Jacques-de-la-Lande et aux deux cimetières rennais, j’en avais conclu qu’au moins trois de ces hommes n’avaient aucune raison de figurer sur ce monument puisque fusillés à la caserne du Colombier de Rennes le 30 juin 1944.

Le 30 décembre prochain, aura lieu la traditionnelle cérémonie de commémoration des exécutions du 30 décembre 1942. Celles qui ont le plus marqué les esprits des Rennais de l’époque. A l’occasion du 75e anniversaire de cette fusillade, la mairie de Saint-Jacques-de-la-Lande a procédé à un réaménagement du site. Apparemment, la plaque de marbre où étaient inscrits les noms des 79 fusillés a été enlevée. Elle a été remplacée par une allée permettant de cheminer devant des plots où sont inscrits les noms des résistants fusillés en ce lieu. Une mise à jour semble avoir été effectuée puisque j’en ai compté 76. Le résultat est remarquable par sa sobriété et mérite d’être salué.

lundi 4 décembre 2017

Plougasnou, juillet 1944, « Les morts ne souffrent plus »



Le dimanche 13 août 1944, Yvonne Jegaden, cultivatrice au Mesgouez en Plougasnou, est informée par Jean Herry, secrétaire de mairie, que les cadavres d’Yves Jegaden, de sa sœur Yvonne Jegaden, d’Isidore Masson et de Charles Bescond, ont été découverts au lieu-dit Ruffélic, en Plougasnou « La fosse a été découverte sur les indications de Mme Choquer, à qui un allemand avait remis un croquis indiquant l’endroit de la fosse. » Ce que confirme Eugénie Choquer, hôtelière à Plougasnou : « Le soldat allemand Kurt Reitinger descendait souvent dans mon établissement. Avant son départ de Plougasnou, il m’avait donné un croquis indiquant l’endroit où avaient été enterrés le frère et la sœur Jegaden, Isidore Masson et Charles Bescond. Après l’arrestation de tous ces jeunes gens, j’avais demandé à Reitinger de leurs nouvelles. Il m’avait répondu : « Les morts ne souffrent plus ». Quelques jours après, le questionnant à nouveau, il m’a dit avoir été appelé par le lieutenant Berressem à Ruffélic pour interroger les détenus et avoir vu Jegaden Yves déjà mourant tellement il avait été martyrisé. » 
Au centre, Hervé Botros
Le samedi 19, une nouvelle fosse est découverte au lieu-dit Pontplaincoat, toujours en Plougasnou « Après le départ des Allemands nous avons organisé des fouilles à Ruffélic et à Pontplaincoat dans les anciens cantonnements des Allemands. Le 19 août à Pontplaincoat nous avons découvert mes deux fils ainsi que Claude Kerguiduff et Jean Scour dans la même fosse. Ces deux jeunes gens avaient été arrêtés en même temps que mes fils. Depuis j’ai appris qu’ils avaient été fusillés à Pontplaincoat et qu’ils avaient été dénoncés par Botros, de Lanmeur, et Darsel, de Morlaix. C’est le lieutenant Berressem, le sous-lieutenant Rauch et le caporal Willy Peutsch, qui commandaient à Ruffélic et auraient ordonné l’exécution », témoigne Vincent Moal, mécanicien à Saint-Jean-du-Doigt, père d’Alexis et Pierre. Un rapport de police indique qu’avant l’arrestation des frères Moal, Darsel et Botros avaient fait une visite à Jean Moal, à Lanmeur, et lui avaient posé des questions sur ses frères. François Scour a également participé aux recherches : « Après le départ des Allemands, me doutant que mon fils avait été martyrisé et enterré par eux, nous avons organisé des fouilles dans les anciens cantonnements. Le 19 août, nous avons découvert une fosse à Pontplaincoat. Le caporal Willy, qui était une vraie brute, en voulait à mon fils, mais j’ai appris que c’était Botros qui avait dénoncé toute la bande de patriotes. »
Les arrestations
Adolf Breuer du SD de Rennes et Marie-Thérèse Honorez
Tout commence le 3 juillet 1944, vers 21 h 30, quand une cinquantaine de soldats allemands se présentent chez Yvonne Jegaden et lui demandent la clef d’un débarras qu’ils perquisitionnent « Ils ont saigné un porc de 200 kg qu’ils ont emporté, plus 75 kg de lard et divers objets. » Visiblement, les Allemands ne viennent pas là par hasard. Sont-ils à la recherche de François Tanguy-Prigent ? Il y a tout lieu de le croire puisqu’à cette époque, le chef du mouvement « Libé-Nord », maire révoqué de la commune voisine de Saint-Jean-du-Doigt, a pris la clandestinité. Or, les Jegaden sont des proches cousins de la famille Tanguy-Prigent. D’après une enquête de police du 4 juin 1945 sur Hervé Botros, on apprend qu’un voisin, Franz Morize, était venu quelques jours avant les arrestations, rendre visite à Yves Jegaden au Mesgouez « Il avait aperçu ce jour-là Mme Tanguy-Prigent sur le pas de la porte. En compagnie d’Yves Jegaden et de plusieurs autres, il alla écouter la radio anglaise dans le débarras de la maison. Lors des arrestations, fait surprenant, les Allemands demandèrent à Mme Jegaden si ce n’était pas elle Mme Tanguy-Prigent. Comment auraient-ils pu savoir que cette dernière se trouvait chez Jegaden quelques jours plus tôt ? (…) M. Morize affirme n’avoir été chez M. Jegaden qu’au moment du débarquement des Alliés en Normandie. » 
La police soupçonne une jeune femme blonde « employée à la Feldgendarmerie de Morlaix, qui se promenait souvent dans les environs du Mesgouez et semblait placée à cet endroit pour espionner ce qui se passait dans la maison. Il est possible qu'il s'agisse de Marie-Thérèse Honorez, agente de la Gestapo ». Lorsque l'on sait que c'est cette femme, interprète au SD de Rennes, puis de Morlaix, qui était présente lors de l'arrestation des pharmaciens Charles Seité et Joseph Trividic, à Saint-Pol-de-Léon le 26 juin précédent, il y a tout lieu de penser qu'elle n'était pas étrangère à cette affaire.
Yves Jegaden savait-il où était caché Tanguy-Prigent ? Si c’était le cas, il n’a pas parlé. Le lendemain matin 4 juillet, Émile Jegaden est arrêté au Mesgouez : « En même temps que moi ont été arrêtés : Isidore Masson, Marcel et Joseph Prigent, Jean Colleter et Jean Cudennec. Ces deux derniers ayant été relâchés le lendemain. Nous avons été conduits à Pontplaincoat où nous avons passé la nuit. » Peu de temps après, vers 11 h, les Allemands reviennent et encerclent la maison. Yves Jegaden, sa sœur Yvonne et Charles Bescond sont à leur tour arrêtés et conduits au Ruffélic. A 16 h, Mme Jegaden est également arrêtée puis emmenée au Ruffélic où on lui demande combien elle avait d’enfants : « Là j’ai vu Charles Bescond, Isidore Masson, mon fils Émile et ma fille Yvonne, puis les deux fils Prigent du Vern, en Plougasnou, allongés sur le ventre. » La rafle se poursuit avec l’arrestation, vers 22 h, de Jean-Yves Cudennec, employé de mairie : « J’ai été arrêté et conduit à Saint-Jean-du-Doigt où ils ont procédé à deux autres arrestations. Nous avons ensuite été ramenés à Plougasnou au camp de Ruffélic où ces deux jeunes gens ont été libérés immédiatement. Quant à moi, j’ai été conduit dans une casemate où se trouvaient déjà Jean Herry, Jean Scour, Pierre et Alexis Moal, Jean Clech et Claude Kerguiduff. Nous avons passé la nuit dans cette casemate sous la surveillance de Willy Peutsch qui de temps à autre venait nous insulter. Le lendemain vers 15 h, les Allemands ont commencé à nous interroger. J’ai été appelé vers 18 h, j’ai été interrogé sur une histoire de carte d’identité pour laquelle je n’y étais pour rien et j’ai été libéré avec Herry. Nos camarades après interrogatoire ont été conduits dans une petite maison de Pontplaincoat, je ne les ai jamais revus. » Jean Herry : « J’ai été conduit à Ruffélic où j’ai été reçu par le fameux Willy Peutsch. A minuit tout le groupe a été conduit à Pontplaincoat. Ce sont les agents de la Gestapo de Morlaix, assistés de Botros et Darsel, qui ont procédé  à mon interrogatoire. J’ai été relâché le 5 juillet vers 18 H. Jean Clech est déporté en Allemagne. »
Les interrogatoires du 5 juillet
Comme toujours dans ces affaires de crimes de guerre, les enquêteurs ont les plus grandes difficultés à déterminer les responsabilités de chacun. Tout accable Hervé Botros, originaire du bourg voisin de Lanmeur, où ses parents tiennent une épicerie, délégué cantonal du PNB et tortionnaire au Kommando de Landerneau avec son ami André Geffroy, de Locquirec (1). Pour avoir une idée du personnage, voici ce qu’il déclara aux policiers lors de son interpellation : « Je n’ai jamais adhéré  aucun parti politique non plus qu’à aucune formation militaire ou paramilitaire. Je n’ai jamais non plus adhéré à une organisation de résistance quelconque. » S’il reconnaît sa présence lors des interrogatoires, c’est en simple spectateur : « Le lieutenant commandant le camp d’internement de Plougasnou m’a demandé si je connaissais quelqu’un dans une liste de personnes arrêtées la veille. Je connaissais Yvonne Jegaden et son frère Yves qui étaient clients chez moi, mais je ne savais pas qu’ils étaient dans la Résistance. Je n’ai donc pas pu les désigner comme ayant cette qualité. J’ai simplement assisté à leur interrogatoire mais sans frapper moi-même. Ils ont avoué au bout de quelques heures de tortures auxquelles j’ai assisté. Yves Jegaden a été plus particulièrement frappé mais j’ignorais qu’il était mort à la suite des coups. J’ai interrogé par la suite le lieutenant pour connaître le sort qui avait été réservé aux personnes figurant sur la liste mais il a refusé de satisfaire ma curiosité. » Autre inculpé, le professeur Joachim Darsel, de Morlaix, adhérent de la première heure au PNB, qui peut difficilement nier sa présence à Plougasnou, où il n’est pas inconnu. Ce 5 juillet, il se présente à la Feldgendarmerie de Morlaix pour obtenir un laissez-passer afin de se rendre dans les Côtes-du-Nord. Il est reçu par le lieutenant commandant la compagnie qui lui propose de déjeuner avec lui. Les deux hommes se rendent alors à Lanmeur où ils mangent chez… Hervé Botros. Coïncidence, le repas terminé, le Lt déclare à Darsel qu’il avait besoin de ses services car deux groupes de prisonniers devaient être interrogés à Plougasnou, ce qui ne semble poser aucun problème au professeur : « Tandis que l’interprète de la Feldgendarmerie opérerait dans un endroit, je l’assisterais dans l’autre. Arrivés au camp de Ruffélic, on apprend que tous les prisonniers sont à Pontplaincoat. A ce moment, le lieutenant me fait savoir qu’il n’avait plus besoin de mes services. »  D’aucuns en auraient profité pour s’éclipser afin d’échapper à ce sinistre spectacle : « Je les ai cependant accompagnés à Pontplaincoat où j’ai vu et assisté en partie à l’interrogatoire de trois jeunes gens dont j’ignore les noms. L’un d’eux a été frappé à l’aide d’une matraque en caoutchouc par un sous-officier allemand. L’interrogatoire était mené par Botros, assisté par l’interprète Koenig qui traduisait. A un moment donné j’ai vu Herry qui s’est dirigé vers moi et m’a serré la main. » En fait, il apparaît que les membres d’un premier groupe : Yves et Yvonne Jegaden, Isidore Masson et Charles Bescond, ont été torturés en fin de matinée au Ruffélic, puis que ceux d’un second : Alexis et Pierre Moal, Jean Scour et Claude Kerguiduff l’ont été ensuite à Pontplaincoat, en présence de Darsel et Botros.
Sur ce qui s’est passé au Ruffélic, le seul témoignage, indirect, est celui de Kurt Reitinger, 23 ans, parlant parfaitement le français. C’est ce soldat d’un régiment de la Luftwaffe, cantonné au Ruffélic, qui avait donné un croquis à Mme Choquer. Ce jour-là, vers 16 h, Reitinger déclare avoir reçu un ordre téléphonique du Lt Berressem qui le réclame au bureau de la Compagnie situé près de l’entrée du camp de Ruffélic. C’est le Stabsfeldwebel (adjudant) Hans Wolf qui le reçoit : « Il m’a déclaré que je devais traduire les dépositions des « terroristes » qui avaient déjà avoué lorsqu’ils avaient été torturés. » On fait alors comparaître devant Reitinger le jeune Isidore Masson qui portait une blessure à la joue : « J’ai traduit ses déclarations que Wolf a enregistré sur un PV. Il a notamment dit qu’il avait été embrigadé dans la Résistance par un ami de Morlaix, dont je ne me souviens plus du nom. Wolf a ajouté que celui qui avait fait rentrer dans la Résistance Masson, avait déjà été fusillé. C’est dommage que je ne me souvienne pas de son nom. Masson a également déclaré qu’il était réfractaire, qu’il se cachait dans la ferme de sa fiancée à Plougasnou et qu’il n’avait déployé aucune activité dans la Résistance. » Comparaît ensuite Yvonne Jegaden, qui a déclaré ne pas faire partie de la Résistance : « Elle a ajouté que ses frères n’avaient, eux non plus, aucune activité dans ce mouvement. Elle avait également été torturée, Wolf m’ayant dit que son postérieur était bleu comme sa veste. » Vient le tour d’Yves Jegaden : « Il ne pouvait plus se tenir debout et a été traîné par des soldats dont j’ignore les noms. Ses mains étaient liées derrière le dos et il se roulait par terre, agonisant. Il a balbutié qu’il faisait partie de la Résistance mais il a été incapable de signer sa déclaration. » Charles Bescond a comparu ensuite et a déclaré qu’il commandait un groupe de 15 hommes « Qui sont d’ailleurs restés introuvables ». Le dernier à comparaître est Émile Jegaden : « Il a toujours nié avoir fait partie de la Résistance et c’est à ce moment que Wolf l’a frappé en ma présence. C’est d’ailleurs le seul patriote qui ait été battu devant moi. Émile Jegaden n’a pas été fusillé à Plougasnou, il a été déporté à Brest sans autre précision. Lorsque ce dernier a été battu par Wolf, je suis intervenu et je lui ai conseillé de demander à son frère Yves des explications sur son activité. Yves qui était allongé sur une pelouse à côté de bureau a prononcé, sur ma demande, des mots inintelligibles que j’ai traduits à Wolf en lui déclarant que son frère était innocent. » Reitinger, qui n’était pas présent aux interrogatoires du deuxième groupe de Pontplaincoat : « Je n’ai pas traduit les dépositions des autres patriotes fusillés et arrêtés et ne puis vous fournir aucun renseignement à ce sujet. Je dois préciser cependant que les frères Jegaden, leur sœur Yvonne, Masson et Bescond, ont tous été torturés avant mon arrivée dans le bureau de Wolf. Ces patriotes, chacun à leur tour, mains et pieds liés, ont été attachés à l’aide d’un manche de pioche placé à la fois sous leurs genoux et sur les coudes dans la position accroupie. Ils ont été préalablement à demi-dévêtus puis arrosés et enfin cravachés à l’aide d’un tuyau en caoutchouc renfermant des fils de cuivre tressés. Je n’ai pas assisté à ces scènes qui m’ont été rapportées par des militaires allemands qui étaient au camp de Ruffélic. »
Les exécutions
L’interrogatoire d’Émile Jegaden terminé, Reitinger déclare être allé manger dans sa chambre vers 20 h : « Après m’être restauré, je me suis rendu au pied de la petite colline dominant la mer, où une dizaine de patriotes se trouvaient allongé ; notamment Émile et Yvonne Jegaden, Masson et Bescond. Je ne connaissais pas les noms des autres. Ce que je puis vous dire c’est qu’Yves Jegaden ne s’y trouvait pas. » Reitinger ajoute que pendant qu’il dînait, il a entendu dire qu’un officier de la Feldgendarmerie était venu au Ruffélic et qu’un tribunal provisoire avait été constitué : « Cet officier, Berressem, Rauch et un simple soldat dont j’ignore le nom en faisaient partie. Ils ont condamné à mort : Yvonne Jegaden, Masson, Bescond. Yves Jegaden était déjà mort sur la pelouse près du bureau de la compagnie des suites des atroces tortures qu’il avait subies. » D’après Reitinger, pendant qu’il se trouvait sur la colline de la pointe de Ruffélic : « Rauch est venu prendre possession des patriotes qui s’y trouvaient à l’exception d’Yvonne Jegaden, Masson et Bescond. Aussitôt le bruit a couru que ces trois patriotes allaient être fusillés et un sapeur qui faisait office de cuisinier (J’ignore son nom) s’est présenté volontairement pour fusiller les trois patriotes précités, qui, d’après les dires de mes camarades, ont été abattus d’un coup de revolver dans la nuque. » A ce moment donc, le deuxième groupe : les frères Moal, Scour et Kerguiduff, sont emmenés à Pontplaincoat où ils seront exécutés le lendemain 6 juillet.
Les assassinats
Ayant eu connaissance du « verdict » du « Tribunal militaire », Reitinger demande au sous-lieutenant Rauch, vers 22 h, s’il pouvait avertir les patriotes : « Du sort qui les attendait. Il m’a répondu par la négative. Les assassinats ont été commis vers 23 h 30. » C’est le lendemain, que Reitinger apprend par des camarades qui ont assisté aux exécutions ce qui s’est passé : « Yvonne Jegaden a été fusillée la première ; ensuite ça a été Masson, qui ont été tous les deux tués par le sapeur. Lorsque ce dernier a voulu abattre Bescond, son revolver s’est enrayé et c’est l’autre officier Ettlinger, qui lui a tiré une balle dans la nuque. Je dois également préciser que le cadavre d’Yves Jegaden avait été placé dans la fosse avant l’assassinat des trois autres patriotes et en leur présence. La fosse a été creusée immédiatement après la sentence prise par le tribunal militaire par des soldats allemands, sous le commandement du Sergent-major Franck. Le seul officier qui a assisté à la fusillade est le Sous-lieutenant Rauch. J’ai oublié de vous dire que le cadavre d’Yves Jegaden a été transporté en brouette dans la fosse par des militaires allemands. C’est tout ce que je puis vous dire sur les crimes commis au camp de Ruffélic. Le lendemain, le lieutenant Berressem, après avoir rassemblé la compagnie, a déclaré à ses soldats que justice était faite. Il a expressément défendu à ses subordonnés de parler aux civils de ces assassinats, ajoutant que les soldats ne devaient pas, eux non plus, faire de commentaires au sujet de cette affaire. » Reitinger ajoute : « Je vous répète que les bourreaux de ces quatre patriotes sont le Lieutenant commandant la Feldgendarmerie de Morlaix, ses feldgendarmes, notamment Hans Wolf (J’ignore le nom des autres), Franck, Berresem, Rauch, Willy Peutsch et le Français Botros. Je sais cependant que c’est Botros qui a dénoncé tous ces patriotes aux autorités allemandes. Avant mon départ de Plougasnou, j’avais fait par des assassinats de Ruffélic à Mme Choquer, j’avais même remis à son mari un plan que j’avais établi, indiquant l’emplacement du charnier. Je ne peux vous fournir aucun renseignement sur les assassinats commis à Pontplaincoat, c’est vous d’ailleurs qui m’apprenez qu’un charnier a été découvert à cet endroit. » 
Yves et Yvonne exécutés, Émile déporté en Allemagne, reste Tanguy Jegaden, qui témoigne : « Les huit patriotes torturés et assassinés à Ruffélic et à Pontplaincoat n'ont pas été trouvés porteurs d'armes. D'autre part, les perquisitions effectuées par les Allemands au domicile respectifs de ces malheureux, en vue de découvrir des armes, sont demeurées infructueuses. En conséquence, l'autorité allemande ne pouvait pas les considérer comme des francs-tireurs et dans ces conditions, j'estime que nos ennemis ont commis des assassinats purs et simples. D'autre part, ma sœur Yvonne était complètement innocente puisque étrangère à la Résistance. »
L'ordre de Hitler du 7 juillet 1944
Fin mai 1944, un ordre du Führer prescrivait la création de Cours spéciales auprès des Tribunaux militaires de Division. Ce tribunal devait, si cela  était possible, comprendre parmi ses membres un juge de profession. En cas d'impossibilité, un officier pouvait être désigné comme juge. Un commandant de régiment, par exemple, avait la qualité de chef de justice. Si son régiment, ou même un bataillon, se trouvait dans une situation dangereuse, sans liaison immédiate avec ses supérieurs, il pouvait instituer une Cour spéciale, chargée de la répression contre les « terroristes ». Jusqu'alors, les femmes condamnées à mort par les Allemands n'étaient pas exécutées mais déportées en Allemagne, d'où très peu revenaient. A la fin du mois de juin, les Cours spéciales et les Cours martiales sont supprimées. Un ordre du Führer du 7 juillet ordonne de « Liquider » les « Terroristes ». Désormais, il n'y a plus de distinction de sexe. Fahrmbacher, Général en chef du 25e Corps d'Armée, basé à Pontivy, a été interrogé à ce sujet le 2 juillet 1947, au camp de la Marne de Rennes : « En ce qui me concerne, j'ai ordonné un sursis d'exécutions à toutes les peines prononcées par les différentes juridictions qui venaient d'être supprimées. A partir de ce moment, il n'y eu aucune exécution dans mon secteur. C'est alors que le 7 juillet 1944, l'ordre de Hitler est arrivé. Il m'est impossible de vous dire la contexture exacte de cet ordre qui m'a été transmis par télégramme. Le texte très court disait de « Liquider » tout terroriste convaincu ou suspect. Personnellement je n'ai pas transmis cet ordre à mes troupes. »
D'après le capitaine Schmuck, de la 265e Division d'Infanterie, basée à Quimperlé :  « Un autre ordre devait suivre, c'est ce qui était mentionné à la fin du texte. Cet ordre annoncé n'est pas parvenu à la 265e Division. Je crois que c'est l'ordre du 7 juillet 1944. Il n'a pas passé le Corps d'Armée, c'est-à-dire l’État-major du Général Fahrmbacher, à Pontivy. Cependant, cet ordre a reçu d'autres diffusions, à savoir par le police, par la marine, par l'aviation, par les Feldkommandantur, par les Feldgendarmeries. »
(1) Le soldat Botros avait été fait prisonnier le 22 juin 1940 par les Allemands à Vannes. Il a été libéré d'un stalag le 21 juin 1941 comme étant l'aîné de 6 enfants (5soeurs) grâce à l'intervention  de... Tanguy-Prigent. Il prendra la fuite à la Libération avec le groupe du Bezen Perrot. C'est lui qui conduisait l'autocar des fugitifs.