samedi 29 juillet 2023

Mathieu Donnart, exécuté le samedi 29 juillet 1944 avec trois parachutistes SAS et cinq résistants.


Le 26 juin 1944, la major Cary-Elwes a réussi à établir le contact avec le commandant des SAS, le colonel Bourgoin, qui est toujours au village de La Foliette, en Sérent (56). Cary-Elwes fait part au commandant des nouvelles instructions de McLeod, dont l'enthousiasme du 10 juin s'est sérieusement émoussé. Il n'est plus question de soulèvement. Trois semaines après le Débarquement, la situation n'est pas brillante. Les Britanniques du général Montgomery n'arrivent toujours pas à reprendre la ville de Caen, tandis que les G I du général Bradley piétinent dans le Cotentin. En conséquence, tirant les leçons des échecs des bases de Samwest et de Dingson, McLeod enjoint aux SAS de poursuivre l'instruction et l'armement des résistants en évitant une insurrection précoce, dont l'issue pourrait être dramatique. Les maquis devront rester dispersés pour ne pas renouveler la bataille rangée de Saint-Marcel, tout en continuant leurs actions de sabotage et de harcèlement. Pour l'instant, force est de constater que le harcèlement est plutôt le fait des Allemands, obligeant les parachutistes à se terrer comme des bêtes traquées. Le lendemain 27 juin, toujours à La Foliette, se tient une réunion de travail entre Bourgoin et le capitaine Marienne, arrivé dans la nuit de son QG de Guéhenno. Ce même jour, le colonel Mathieu Donnart, alias Poussin, chef des FFI du Finistère, vient aussi voir Bourgoin. Il est accompagné du lieutenant de gendarmerie de Quimperlé Jean-Louis Jamet, dont la voiture est conduite par le gendarme Pierre Mourisset. A bord du véhicule, ont également pris place Claude Sendral, alias Huissier, ancien adjoint de Paysant au BOA (Bureau des opérations aériennes), l'opérateur-radio François Loscun et le jeune mécanicien René Philippeau. Ceux-ci informent Bourgoin qu'ils n'ont jamais pu établir de contact avec Londres. Par chance, Jourdren, qui était resté au château de Callac après le retrait du camp de Saint-Marcel, sur ordre de Paysant, est présent à la réunion. Il est donc décidé qu'il repartira avec le groupe en emportant le précieux matériel radio. Jeanne Bohec, alias Micheline, devra les rejoindre plus tard. La réunion terminée, douze hommes prennent la route pour le Finistère dans deux voitures de la gendarmerie, en évitant la traversée d'Hennebont. Dans la première voiture, conduite par Jean Garin, adjoint de Le Port, a pris place une équipe du BOA du Morbihan. Lorsqu'il arrive au village de Saint-Trémeur, en Bubry, Garin doit s'arrêter devant un barrage de feldgendarmes, qui laissent passer la voiture. Quelques instants plus tard, la seconde voiture, où ont pris place sept hommes, se présente à son tour devant le barrage. Cette fois-ci, les feldgendarmes ont des doutes et font descendre tout le monde du véhicule, dans lequel ils découvrent des armes et le poste émetteur. Tout à fait par hasard, les Allemands viennent de réaliser un beau coup de filet. Les sept résistants sont aussitôt emmenés à Pontivy pour y être confiés au SD et torturés sans répit. N'en pouvant plus, Mathieu Donnart tentera même de se suicider en se tranchant les veines du poignet, mais ses compagnons de cellule s'en aperçoivent et Paysant lui bande sa blessure comme il peut. (1)


Le samedi 29 juillet 1944, quittant Pontivy à 6 h du matin, Maurice Zeller, que l'on ne présente plus, fait partie d'un peloton pour une exécution qui doit avoir lieu sous les murs d'une ferme située au Rodu, en Pluméliau, sur la route de Baud à Pontivy. "A cette occasion, nous avions touché chacun un uniforme allemand, un casque et une mitraillette Sten. En cours de route, nous étions suivis par une camionnette transportant les neufs condamnés ainsi que par une autre voiture avec Fischer et Pierre Lyon. Dès mon arrivée sur les lieux, Fischer vint vers moi et, me donnant sa carabine américaine en échange de ma mitraillette, il me pria d'aller sur la route à une cinquantaine de mètres afin d'effectuer un barrage en compagnie d'un soldat allemand. A l'issue des exécutions, les neufs corps des condamnés ont été laissés sur place et nous sommes rentrés à Pontivy." (2)

C'est la dernière exécution collective comportant des parachutistes SAS. Ils sont trois : Jacques Brouiller, qui avait été fait prisonnier le 15 juillet dans des circonstances non élucidées, Charles Flament, capturé à Kerihuel, et le sous-lieutenant Georges Willard, dont le groupe avait été cerné et attaqué au village du Resto en Bignan, le 20 juillet. Les six autres résistants fusillés sont : Mathieu Donnart Poussin, Jean-Louis Jamet, lieutenant de gendarmerie de Quimperlé, François Loscun et René Philippeau, arrêtés à Bubry le 27 juin. Quant à François Le Mouée et Gustave Cléro, ils avaient été arrêtés le 14 juillet par l'équipe de Zeller lors de la recherche des dépôts d'armes après la chute du camp de Saint-Marcel. (3)

1 - Hamon Kristian, "Chez nous il n'y a que des morts" Les parachutistes de la France Libre en Bretagne -été 1944, Skol Vreizh, 2021, p. 209-210.

2 - Le juge d'instruction n'avait pas l'air d'être très convaincu par les explications de Zeller.

3 - Hamon Kristian, op. cit., p. 308.


lundi 17 juillet 2023

Plœuc-L’Hermitage : à propos de la profanation du monument de la Butte Rouge

Officier américain enquêtant sur les crimes de guerre
La récente profanation du monument de la Butte Rouge, dont la date ne relève pas du hasard, a suscité une très forte émotion  parmi la population et dans les médias, les journalistes reprenant tous le communiqué du préfet des Côtes-d'Armor : "Le monument honore la mémoire des 55 martyrs, résistants ou otages, exécutés par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, en 1944, dans la forêt de la Perche" (Le Télégramme, Ouest-France et France Bleu du 16 juillet).


Le problème, c'est que cela est en partie inexact. Il faut remonter au 28 octobre 1944 : "Nous Mauclair, MDLC, Tanguy Jean et Ozouf André, gendarmes de service à L'Hermitage-Lorge avons été prévenus par M. Duault, entrepreneur, qu'un nommé Le Pêcheur Alphonse, du village des Forges avait découvert en forêt de Lorge, à

500 m environ du village, ce qu'il croyait être l'emplacement de 10 fosses susceptibles de contenir plusieurs cadavres chacune. Nous avons fait creuser un des emplacements désignés et mis à jour à 60 cm de profondeur, une partie des corps humains, habillés, sans cercueil." Avant d'aller plus loin dans leurs investigations, les gendarmes alertent les autorités : "Le 30 octobre 1944, à 10 heures, nous avons assisté à l'exhumation de 28 cadavres dont 24 hommes et 4 femmes. Cette exhumation a eu lieu en présence de M.le Maire de L'Hermitage, du docteur Le Jeune, médecin légiste, de M. le Procureur de la République et de différentes personnalités civiles et militaires. D'après M. Le Jeune, la plupart des dix premières victimes auraient été pendues. Les autres auraient été tuées d'une balle dans la nuque. Toutes, sauf les femmes, avaient les mains liées par un fil de cuivre muni d'un isolant." Six corps ayant été exhumés les jours précédents, ce sont donc 34 résistants et résistantes, Mme Gouelibo, ses deux filles et la jeune Mireille Chrisostome, qui ont été exécutés à la Butte Rouge. Ils avaient été amenés là par un camion allemand le 14 juillet, après avoir été longuement interrogés et torturés dans l'école d'Uzel par les SS et un groupe de bretons du Bezen Perrot (1)

Docteur Le Jeune médecin légiste
Deux mois auparavant, le 18 août, à 200 mètres de la Butte Rouge, 19 corps avaient également été exhumés. Ces jeunes résistants (FTP), condamnés à mort, avaient été fusillés le 6 mai 1944 à Ploufragan, puis enterrés sur place sans cercueil. Les Allemands, voyant la population venir se recueillir et y déposer des fleurs, firent exhumer les corps par la Croix-Rouge, qui furent ensuite déposés dans des caisses en bois. Les Allemands les transportèrent ensuite discrètement dans cette forêt de Lorge. Dire qu'ils y ont été exécutés est donc inexact.

Les noms de ces résistants ont été ajoutés sur le monument de la Motte Rouge, d'où une certaine confusion probablement.

(1) Kristian Hamon, Le Bezen Perrot, 2004, p. 142-143.