Cette communication est extraite
du bulletin de la Société
d'Histoire et d'Archéologie du pays de Fougères Tome LII-LIII Année
2014-2015. Ne souhaitant pas les retrouver sur internet, j’ai volontairement
retiré les photographies des inculpés. Huguette Gallais étant encore vivante lorsque j'ai rédigé mon ouvrage Agents du Reich en Bretagne, et ne voulant pas lui faire de la peine, j'ai alors pris la décision d'employer des pseudonymes, ce qui m'a été vivement reproché par Françoise Morvan. Les lecteurs reconnaîtront donc : Gérald Gallais, alias Gérard Goavec ; André Colin, alias Arthur Coquemont ; René-Yves Hervé, alias Alain Guerduel ; Mathilde Le Gall, alias Marie Kerlivan.
De retour de captivité, au mois de mai 1945, Andrée Gallais et sa fille Huguette ignorent tout des agissements de Gérald durant leur absence : « En novembre 1945, nous apprenions que mon fils devait être jugé par le tribunal de Rennes pour intelligence avec l’ennemi, à notre grande surprise évidemment. Jugement par contumace, jugement ridicule à mon avis mais non moins existant. » Huguette déclare au juge : « Pendant un certain temps de ma captivité, j’ai reçu de lui plusieurs lettres dont la dernière du 28 février 1943. Ses sentiments étaient toujours très français et la dernière phrase de sa lettre était : « Bonsoir sœur chérie, reste ce que tu es, reste digne, la mort passe, la gloire reste ! » Sa signature était en V avec les points du Général de Gaulle. » Cinq jours auparavant, le 23 février 1943, les douze membres du groupe ont été condamnés à mort. Ignorant qu’elles ont été graciées, Andrée et Huguette Gallais, ainsi que Louise Pitois, seront maintenues au secret à la prison d’Augsburg jusqu’au 9 septembre 1943. Aucune correspondance ne pouvait donc leur parvenir « Quant à mon fils Gérald, je ne peux le soupçonner de trahison, car à cette époque toute sa loyauté nous était acquise. Il en résulte que nos dénonciateurs ne peuvent être que les époux Hervé. Alors que nous étions à Augsburg, mon fils nous adressa une lettre dans laquelle il mentionnait qu’il avait vu à Fougères les époux Hervé ; elle fut acheminée jusqu’à la prison puis retournée à l’expéditeur après contrôle de la Gestapo. Nous avons retrouvé cette lettre dans les papiers de mon fils à notre retour en France et je vous l’enverrai pour être jointe à la procédure », écrira au juge Andrée Gallais. Lors de cette audience de la Cour de Justice de Rennes du 7 novembre 1945, sont jugés : Gérald Gallais ; Émile Luec ; Claude Garavel ; René-Yves Hervé et Mathilde Le Gall. Ouest-France annoncera le lendemain que Garavel a été condamné à mort (Il sera fusillé) et Mathilde Le Gall aux travaux forcés à perpétuité, mais aucune ligne sur le procès Gallais. Mineur au moment des faits, il a été condamné à cinq ans de travaux forcés par contumace. Pour qui a une certaine expérience de ce genres d’affaires, et compte tenu du réquisitoire définitif, la peine parait plutôt clémente « Gérald Gallais fut, pendant l’occupation, un des agents français les plus actifs de la police de sûreté allemande. Il avait cependant en 1940 et 1941 appartenu au groupe de résistance dont son père, gardien du château de Fougères, était le chef : ses parents, sa sœur et lui-même ainsi que 50 habitants de Fougères furent arrêtés dans le courant du mois d’octobre 1941.Gallais Gérald fut relâché dans des circonstances qui n’ont pu être déterminées ; son père fut fusillé à Munich le 21 septembre 1943, sa mère et sa sœur déportées en Allemagne ont été rapatriées le 24 avril dernier. Gallais exerça son activité au service de la police allemande de concert le plus souvent avec Arthur Coquemont et René Hervé, tous deux également en fuite. » Les jurés de la Cour de Justice ont-ils estimé qu’il était inutile d’aggraver la douleur d’une famille déjà lourdement éprouvée ?
La fin du groupe Gallais
Revenons à ce
jeudi 9 octobre 1941. Dès six heures du matin, la police allemande procède à
l’arrestation des membres du groupe qui sont emmenés à l’Hôtel des Voyageurs
pour y être interrogés. Celui-ci étant infiltré depuis plusieurs mois par le
couple René-Yves Hervé et Mathilde Le Gall, les Allemands sont parfaitement au
courant de ses agissements. Parmi les personnes relâchées le soir même, figure le
jeune Gérald. Ce qui ne manquera pas d’étonner les policiers lors de l’enquête
d’instruction. Interrogé, le 23 juillet 1945, le gendarme Robert Marcel
témoigne : « J’ai été incarcéré
à Angers en même temps que les parents de Gérald Gallais qui avaient été
arrêtés à la suite d’un dépôt d’armes à Fougères. Á cette époque les parents
Gallais soupçonnaient un nommé Hervé de les avoir dénoncés. Toutefois, au cours
de leurs interrogatoires les Gallais étaient fort surpris de voir toutes les
précisions que les Allemands connaissaient de leur activité, notamment les
descriptions très précises de scènes qui s’étaient déroulées à leur foyer et en
dehors de la présence de tout étranger. » Plusieurs membres du Groupe
d’Action déclarent avoir entendu Gallais se vanter d’avoir dénoncé ses parents,
mais quel crédit accorder aux déclarations de ces individus de sac et de corde qui
renieraient père et mère pour sauver leur tête ? Huguette Gallais est
formelle : « Mon frère Gérald
qui depuis un an travaillait avec nous dans la Résistance fut arrêté également
le 9 octobre, subit deux interrogatoires et fut relâché mais je suis sûr que
mon frère n’avait rien dit ; ainsi que je l’ai toujours déclaré le
dénonciateur des 56 personnes arrêtées le 9 octobre 1941 est Hervé René dit
« Philippe » ou encore « Isidore » et sa femme née Mathilde
Le Gall, dite « Hélène ». Si mon frère avait parlé il y aurait eu
beaucoup plus d’arrestations. » Même constat du gendarme Théophile
Jagu, le seul membre du groupe libéré à Augsburg et rentré à Fougères le 5
avril 1943 : « Je ne crois pas
que Gérald Gallais soit à l’origine de l’arrestation de ses parents. A cette époque
il était gaulliste 100% et s’il avait voulu dénoncer à ce moment, il y aurait
eu beaucoup plus d’arrestations, car il était au courant de tout ce que
faisaient son père et sa sœur. » Aussitôt relâché, le soir du 9
octobre, Gérald retourne au domicile familial pour y récupérer un panier de
tomates dans lequel sa mère, au moment de son arrestation, avait caché trois
revolvers, puis les confie à Mme Caillet : « Gérald Gallais m’a dit que c’était sa mère qui lui avait dit de
m’apporter la corbeille et lui avait dit cela au moment ou elle a pris congé de
lui à la Feldgendarmerie et lui avait dit qu’il y avait des revolvers dans la
corbeille. Jamais je n’ai soupçonné Gérald Gallais d’être le dénonciateur de
ses parents et des autres membres du groupe qui furent arrêtés. Je crois que si
Gérald Gallais avait été le dénonciateur il m’aurait moi-même dénoncée, sinon
ce jour là, au moins par la suite ; il savait très bien qu’elles étaient
mes activités dans la Résistance, il savait où je cachais mes armes. »
Qu’advient-il ensuite de ce jeune homme ? D’après Théophile Jagu, il a été
remis à M. Carnet, secrétaire général de la mairie de Fougères, puis confié à
un oncle de Pontorson. Hormis quelques témoignages, les archives sont muettes
sur son comportement pendant les deux années qui suivent. « Pendant 18 mois ou deux ans après
l’arrestation de ses parents, Gérald Gallais manifestait des sentiments très
français et se comportait en bon français. Malheureusement il fréquentait les
époux Hervé qui sont, à mon avis, les auteurs de la dénonciation de notre
groupe » déclare Marie Guilloux, épouse d’Antoine Perez, déporté avec
René Gallais. Nous savons également que le jeune Gallais était encore à
Pontorson jusqu’à la fin de l’année 1943 « La carte de textile que vous me présentez appartient à ma fille Annick,
âgée de 6 ans. Elle a du se trouver en possession de mon cousin Gallais Gérald
pour des achats. Il a été chez mes parents jusqu’à la fin 1943. En raison de sa
mauvaise conduite, mes parents lui ont
fait comprendre qu’il devait quitter la maison. Au moment de son départ
il a du emporter la carte de textile de ma fille. Je sais que mon cousin, dont
j’ignore le refuge actuel, est recherché comme ayant appartenu à la Gestapo. Je
ne suis donc pas surprise que la carte en question ait été retrouvée parmi les
papiers de la Gestapo à Rennes où Gallais résidait le plus souvent. »
D’après Théophile Jagu : « Son
oncle et tuteur n’a jamais pu le surveiller. Il vola le poste de TSF de son
père pour le revendre aux allemands de St Malo. » Livré à lui-même, ce
garçon de 17 ans semble avoir trouvé refuge villa « Les Nieilles » à
Paramé, chez un certain Coquemont, avec qui il s’est acoquiné et qui
l’entrainera dans sa déchéance.
Dans l’ombre de Coquemont
Arthur Coquemont debout à gauche, Gérald Gallais assis au centre. |
Le marché noir
Durant
l’hiver 1943-1944, disposant d’ausweis et
de faux papiers pour se déplacer dans la zone côtière interdite avec le camion
récupéré chez Desprez, Coquemont et Gallais se livrent à un vaste marché noir.
Avec une forte présence militaire allemande, dont les marins de la Kriegsmarine
chargés du ravitaillement des îles anglo-normandes et la construction des
fortifications par l’organisation Todt, la Festung Saint-Malo est un marché propice
à tous les trafics. Lors d’un chantier de l’entreprise Desprez à Châteauneuf, Coquemont
s’était mis en cheville avec un abattoir de la commune « Un marchand de bestiaux du Tronchet lui
fournissait les bêtes autant qu’il en voulait et il ravitaillait les allemands
et divers restaurants de Saint-Malo. Il expédiait même par bateaux à Jersey et
Guernesey. Son trafic s’étendait même sur l’alcool et le blé ». Le
cuir en général, et surtout les chaussures, particulièrement recherchées, font
aussi l’objet d’un important trafic. Profitant des relations de Coquemont dans
cette industrie traditionnelle de Fougères, Gallais n’est pas en reste. Il est
interpellé une première fois par l’inspecteur de police Albert Nogues :
« Me trouvant rue St-Vincent,
j’interpellai un individu qui transportait un énorme colis sous son bras. Ayant
déjà remarqué à différentes reprises cet individu, que je suspectais de trafic
de chaussures, je l’invitais à me faire connaître son identité. Il me répondit
alors que ma qualité d’inspecteur de police français ne me permettait pas de
lui demander son identité, car il appartenait au service des SD allemands. Il
me déclara spontanément que le colis qu’il transportait contenait des bottes et
des chaussures destinées à la Feldgendarmerie de St-Malo (…) Je l’emmenais au
Commissariat Central malgré son opposition. Je procédais alors à la
vérification du contenu de son colis qui comprenait une quinzaine paires de
chaussures, tant d’hommes que de femmes. » Arrivé au commissariat,
Gallais exige de l’inspecteur d’être emmené au bureau du SD (Sicherheistdienst, service de sécurité de
la SS) de Saint-Malo « Gallais m’y
accompagna et arrivé à la villa « Les Quatre Vents » à Rochebonne, il
pénétra dans cette villa en faisant le salut hitlérien et s’isola pendant dix
minutes environ avec un des membres des SD. Un policier allemand revint alors
et m’enjoignit de lui remettre ma carte d’identité. Ce que je fis. Quelques
instants plus tard, il revint et m’ordonna de remettre immédiatement les
chaussures saisies à M. Gallais. » Le 11 janvier 1944, Coquemont est à son tour
appréhendé par la police « Porteur
d’une somme de 24 295 F qui représentait certainement sa participation à
une importante affaire de trafic d’alcool dans laquelle il joua d’ailleurs,
même après son arrestation, le rôle d’indicateur. Sur nos renseignements le
véhicule fut saisi à St-Malo, l’affaire fut suivie par l’Administration des
Contributions, mais Coquemont ne fut pas inquiété. Lorsque je l’arrêtais, il le
prit de haut, me déclarant qu’il appartenait à la police allemande, qu’il était
directement au service de Grimm chef de la Gestapo à Rennes. A l’appui de ses
dires, il me présenta une autorisation de se rendre en zone côtière signée du
Kommandeur de la SD. Il me signala que cela pourrait me coûter cher de le
mettre en prison, et répéta la même chose aux inspecteurs de mon service, à mon
encontre. » Grâce à leurs faux-papiers et cartes de police allemande,
les deux hommes peuvent circuler en toute impunité dans la zone côtière
interdite. Le 17 avril 1944, ils sont contrôlés par un gendarme de la brigade
de Cancale au lieu dit « Les Portes Rouges » en
Saint-Méloir-des-Ondes « Ayant
présenté des pièces dactylographiées en allemand et revêtues du cachet allemand
avec croix gammée ; Goavec s’est montré d’une extrême arrogance en disant
qu’il n’avait pas le triste honneur d’appartenir à la gendarmerie Française. Etant
repassés à l’hôtel Audot ils ont inscrit leur nom sur une fiche comme
suit : Collin André, journaliste, né le 3 avril 1915 à Rennes, sans autre
indication, deuxièmement Goavec Gérard,
né le 26 juillet 1926 à Boulogne (Seine), étudiant, ayant résidé à St-Malo et
venant de Fougères. »
Au service du SD
Pouvoir se
permettre d’agir en toute impunité face à la police de Vichy, implique
nécessairement d’entretenir des relations privilégiées avec les officiers du SD,
qui occupent la Cité des étudiantes de Rennes. « Les agents du SD étaient
recrutés par Grimm sur présentation. J’ai entendu Grimm dire à Kerbot, son
secrétaire, que les agents du SD de Rennes n’apportaient en général que des
affaires insignifiantes parce que trop jeunes et inexpérimentés. Je dois dire
cependant que quelques uns étaient très forts tels que Coquemont et Gallais » déclarera l’interprète Claude
Geslin, ancien du PNB. Une liste de 180 noms d’agents du SD a été retrouvée au
siège du SD par les Américains lors de la libération de la ville. Claude
Geslin, de Saint-Brice-en-Coglès y figure avec le N° SR 923, mais aussi
d’autres fougerais : Gérald Gallais, N° SR 930, alors domicilié au 7, rue
Rallier du Baty à Rennes ; Julien Guérinel, gendarme, N° SR 748 ;
Henri Lecoq, dentiste, N° SR 731 ; Joseph Loysance, assureur, N° SR
762 ; Paul Thébault, travaillant dans la chaussure, N° SR 750. Parmi les
« affaires » apportées au SD, figure celle de l’arrestation de
Thérèse Pierre, autre figure emblématique de la Résistance fougeraise. Gérald
Gallais était-il impliqué dans cette arrestation ? Impossible de répondre
avec certitude, mais le témoignage de François Morinais, un commerçant de 39
ans, est troublant : « Le 21
octobre 1943, je me trouvais dans la salle de café tenu par ma sœur, 36 bis rue
des Prés. Mon attention fut alors réveillée par la vue d’une voiture allemande
en stationnement devant la maison et je restais aux aguets derrière la vitre.
20 minutes plus tard, je vis Mlle Thérèse Pierre descendre la rue en compagnie
d’un officier nazi qui la fit monter en voiture et referma brutalement la
portière. Cela fait, l’officier se dirigea vers le bas de la rue et revint, 5 à
6 minutes plus tard, accompagné d’un jeune homme dont voici le
signalement : Age 18 à 20 ans, taille moyenne, 1m70 tout au plus, mince de
corps, quoique ayant les épaules bien carrée et le buste bien droit. Figure
très jeune, un peu pâle, figure plutôt ronde sans être grosse, cheveux châtains
tirant sur le foncé et rejetés en arrière, costume de couleur bleue foncée.
L’individu portait en outre sur le bras un imperméable beige, et à la main une
mallette marron de petite taille. Ce jeune homme ne paraissait pas être en état
d’arrestation, il ne semblait ni inquiet ni gêné. Tandis que l’officier
s’installait sur le siège avant de la voiture près du chauffeur, il ouvrit
lui-même l’une des portes arrière et s’assit près de Mlle Pierre. L’automobile
démarra aussitôt. Je dois préciser qu’en conduisant Mlle Pierre à la voiture,
l’officier allemand la tenait par le bras droit. Le jeune homme dont je vous ai
parlé ci-dessus au contraire marchait librement. » Les policiers
présentent alors au témoin une photo de Gérald Gallais « Sans pouvoir à coup sûr affirmer qu’il
s’agit bien là de l’individu aperçu, ceci en raison du temps écoulé, je dois
dire que ce portrait me parait conforme au souvenir que j’ai conservé de cet
individu. »
Au début de l’année 1944, les
conditions d’accès à la zone côtière interdite, qui a été étendue jusqu’à une
ligne Dinan-Combourg-Antrain, se restreignent. Ce qui ne facilite pas les
affaires de nos deux trafiquants, qui sont de plus en plus repérés. C’est donc à
Rennes qu’on les retrouve le
11 mai 1944. Ce jour-là, vers midi, Joseph Lecomte, alias « Le
Retour », agent du réseau « Turquoise », a rendez-vous avec Jean
Uxaut, membre de « Libé-Nord », au café Allano, rue du Pré-Botté à
Rennes. Lorsqu’il pénètre dans le café, Uxaut est déjà attablé avec deux
hommes. Prudent, Lecomte se dirige vers le bar pour ne pas parler à Uxaut
devant ces deux inconnus, mais Uxaut lui fait signe de le rejoindre « Parmi ces deux personnes celui que j’appelle
Coquemont et un second vêtu d’un blouson marron que je présume être Le Roy ».
» Michel Le Roy, un jeune collaborateur, est le fils de l’écrivain breton
Florian Le Roy, journaliste à L’Ouest-Éclair.
Uxaut, accompagné de Coquemont et Le Roy, sortent du café Allano pour se rendre
au café de l’Europe, rue Jean Jaurès, où il sera arrêté par ses deux compagnons
et livré au SD. Uxaut sera déporté en Allemagne et ne reviendra pas. Pendant ce
temps, Lecomte est resté au café Allano : « A midi, en sortant du café avec un de mes agents de la Résistance, un
individu est entré dans le café, il était vêtu d’une gabardine et d’un chapeau
écrasé. J’ai quitté mon agent à la porte du café et je me suis dirigé aux
urinoirs près de la poste. En sortant, je m’engageais dans la rue Jules Simon
quand Coquemont et le présumé Le Roy m’ont arrêté au nom de la police
allemande. Ils étaient devant vers moi, un 3ème est venu se placer
derrière moi, je l’ai reconnu pour l’individu à la gabardine qui était entré au
café au moment ou je sortais. Ils me firent mettre les mains derrière le
dos et me recommandèrent de garder le silence. » Lecomte ne pense qu’à
une chose : s’enfuir. Ce qu’il va faire, arrivé à l’angle des rues Le
Bastard et du Champ Jacquet : « A
partir de ce moment, je ne puis rien dire étant occupé à m’enfuir et ne
m’occupant pas de ce qui se passait derrière moi. J’ai simplement entendu
Gallais dire à Coquemont : s’il ne veut pas avancer, donne lui un coup de
matraque. » Descendant à toute allure la rue Le Bastard, Lecomte
entend un coup de feu et ressent une douleur. Une balle s’est logée dans son
bras. Plusieurs coups de feu sont tirés par Gallais, mais il réussit à
s’enfuir. Une lycéenne, présente dans la rue, sera également blessée.
Le 29 juin 1944,
Coquemont et Gallais sont envoyés par le SD à Dinard. Ils se présentent sous
leurs fausses identités, Goavec et Colin, au bureau de Gabriel Delaveyne,
comptable des Allocations Familiales : « Ils m’ont dit qu’ils étaient des prisonniers politiques évadés de la
prison de Vitré. » Leur déclaration est tout à fait plausible puisque le 29
avril, Loulou Pétri et ses FTP, par un coup de main d’une grande audace,
avaient réussi à s’introduire dans la prison de Vitré pour libérer 48 prisonniers
politiques. « Ces deux individus
m’ont demandé si je connaissais des personnes appartenant à la résistance dans
le pays et si j’avais des cartes de pain à leur donner, se disant démunis de
provisions. Les susnommés ayant l’aspect douteux, surtout le jeune Goavec, je
les ai invités à aller de ma part demander à déjeuner, à la cantine scolaire,
où ils sont allés. » Une semaine plus tard, le 6 juillet, à neuf heures
du matin, accompagnés de deux feldgendarmes, Coquemont et Gallais sonnent à la
porte du 104, avenue Georges V à Dinard, domicile de Delaveyne : « Je suis descendu et j’ai été arrêté
immédiatement, sans explication. Pendant que j’étais gardé sous la voute de mon
appartement par un feldgendarme, l’autre et les deux individus en question sont
montés dans mon appartement où se trouvaient ma femme et ma fille. Ces deux
dernières ont été également arrêtées sous la menace du revolver. Ma femme, qui
n’était pas vêtue, a été mise dans l’obligation de s’habiller devant Coquemont,
tandis que ma fille était surveillée par Gallais. Quant au feldgendarme,
celui-ci était resté sur le palier et ne s’est occupé de rien. Coquemont est
descendu avec ma femme et ma fille, pendant que Gallais était resté dans
l’appartement. » Delaveyne, son épouse Margueritte et sa fille Yvonne,
sont emmenés à la Kommandantur de Saint-Servan par Coquemont qui rejoint
ensuite Gallais à l’appartement pour y effectuer une nouvelle perquisition.
« Ensuite, Coquemont est revenu à la
Kommandantur où il m’a questionné pour me demander si je connaissais les chefs
de la résistance de Dinard. Je lui ai répondu négativement. Voyant qu’il ne
pouvait obtenir aucun renseignement de moi, il s’est approché et m’a frappé
violement sur la tête à coups de poings. » Le couple et leur fille
sont ensuite transférés de Saint-Servan à la prison de Rennes, où Delaveyne
sera de nouveau interrogé et frappé. Une semaine après l’arrestation de ses
parents, la fille ainée de Delaveyne, assistante sociale à Rennes, se présente
à la Feldgendarmerie de Saint-Malo pour récupérer les clefs de l’appartement où
elle se rend en compagnie d’un feldgendarme. Elle constate la disparition
d’argent, de bijoux et d’objets de valeur : « Tous les papiers étaient épars dans les pièces où un désordre
indescriptible régnait. Ces constatations ont été faites en présence du
feldgendarme connu sous le nom de « Georges », lequel a fait un
rapport. » Libérée le 23 juillet, Mme Delaveyne se rend à son tour à la
Feldgendarmerie de Saint-Servan : « Elle déclare qu’environ 28 à 30 000 F, une montre en or, une chaine de
montre en or et une montre-bracelet de dame avaient été enlevées de son
appartement. Elle avait appris par les voisins que deux agents auraient encore
perquisitionné l’appartement en l’absence des Feldgendarmes. » Le
rapport du feldgendarme « Georges » sera transmis à ses supérieurs,
mais il n’y aura pas de suite. Les Américains sont aux portes d’Avranches. Delaveyne
figure parmi les déportés du dernier convoi dit de « Langeais ». Il
sera libéré à Belfort.
Le 10 juillet
1944, vers 19 h 15, deux étranges paroissiens font leur apparition à l’hôtel
Chancerel de Pontmain, en Mayenne, où le père de Georges Toth, mécanicien dans
le bourg, prend une consommation avec son fils : « En pénétrant dans la salle le plus âgé a
prononcé les paroles suivantes : « Police allemande ! »
et aussitôt le plus jeune a présenté une
mitraillette qu’il tenait sous un imperméable. Dans la salle de débit il y
avait 5 civils et deux officiers allemands. Nous avons tous pensé qu’il devait
s’agir de terroristes et les officiers allemands m’ont
dit : « Nous pensons qu’il s’agit de terroristes et non de la
police allemande. » Ils se sont dirigés vers mon fils qui était assis à la
même table que moi et le plus âgé des policiers lui a dit :
« Suivez-nous ». Sous la menace de la mitraillette ils ont contraint mon
fils à pénétrer dans la salle à manger contigüe à la salle de débit. Ils ont
fermé la porte à clefs et 15 minutes après ils sont sortis de l’établissement
pour se diriger à pieds vers Saint-Ellier-du-Maine. » Georgette
Nourry, la bonne du café, est présente : « Le plus âgé des policiers à un moment donné a conversé en allemand avec
l’un des deux officiers allemands qui consommaient également dans la salle de
débit. L’officier a demandé les papiers au policier qui a acquiescé aussitôt et
vraisemblablement les papiers étaient réguliers puisque les deux officiers
n’ont formulé aucune objection. » En passant devant le garage,
Toth récupère sa veste et son chapeau et embrasse sa mère en lui disant :
« Maman tu ne me reverras plus ».
Entendant ces paroles, son père décide de le suivre à distance. Arrivé devant
la maison du docteur Fresnay à Montaudin, le trio s’arrête pour discuter. Le
père de Toth pense un moment que les deux hommes allaient libérer son
fils : « Soudainement ce
dernier a bondi sur Gallais qui est tombé à la renverse et a lâché sa
mitraillette. Mon fils a profité de cet instant pour s’enfuir et escalader une
barrière qui se trouvait à proximité. L’individu qui accompagnait Gallais a
aussitôt saisi l’arme et fait feu sur mon fils qui s’est écroulé dans la
prairie. » Les deux hommes et leur moto avaient été repérés à
Montaudin dans l’après-midi. Le jeune Gallais, vêtu d’un imperméable de couleur
beige (Le même que le jour de l’arrestation de Thérèse Pierre ?), sera
formellement reconnu lors de l’enquête effectuée par la gendarmerie. Pour le deuxième homme,
un doute subsiste entre Coquemont ou René-Yves Hervé, qui parle très bien
l’allemand. Quoi qu’il en soit, pour les enquêteurs : « Il n’a pas été établi que le dit Toth avait
été exécuté pour avoir appartenu à un groupe de résistance ; il résulte au
contraire des témoignages recueillis que le meurtre de Toth qui entretenait
avec les Allemands des relations suspectes était le résultat d’un différent
d’ordre commercial ou sentimental qui l’opposait à Coquemont. » Toth,
qui a été délesté de son portefeuille lors de son exécution, aurait fourni
l’alcool à Coquemont lorsqu’il fut arrêté à Saint-Malo. Ce qui n’empêchera pas
la famille de faire des démarches pour qu’il soit reconnu comme « Mort
pour la France »…
Le Groupe d’Action pour la Justice Sociale
Dans les
bas-fonds de la collaboration, le « Groupe d’Action pour la Justice
Sociale » (Désormais abrégé en GAPPF), dirigé par Lucien Imbert dit
« Le Caïd », se distingue par la cruauté de ses membres. « Il faut reconnaitre que Imbert s’est
retrouvé à la tête d’une véritable bande de gangsters », déclarera un
membre de la Bezen Perrot, qui ne passait pas lui-même pour être un enfant
chœur. Émanation du PPF de Jacques Doriot, le GAPPF est composé d’une quinzaine
d’hommes en provenance de Saint-Malo, où ils avaient été recrutés par le docteur
Daussat. Ces hommes et leurs femmes s’installent début juin 1944 dans une
maison située au 25, rue d’Échange à Rennes. Contrairement aux membres de la
Bezen Perrot, qui sont en uniforme et doivent respecter la discipline
allemande, ils sont en civil et font à peu près ce qu’ils veulent. Armés, disposant
de cartes de la police allemande, leur mission consiste à faire la chasse aux
réfractaires du STO pour le compte de la SD, ils vont surtout se livrer au
marché noir et commettre les pires exactions contre la Résistance. Ceux qui ont
été retrouvés à la Libération seront pratiquement tous fusillés, ainsi Claude
Garavel, 24 ans : « J’ai connu
Gallais en juin 1944, celui-ci venait fréquemment voir Imbert auquel il
fournissait des renseignements. C’est lui qui a organisé l’opération contre le
maquis de St-Hilaire-des-Landes. Il connaissait bien la région et avait obtenu
les mots de passe grâce auquel il se fit conduire par un paysan à l’endroit précis
où était caché le maquis. C’est lui qui fit appeler les troupes allemandes et
les dirigea dans leur combat par sa connaissance parfaite de la région. Gallais
était armé d’une mitraillette. Gallais était très apprécié des chefs allemands. »
Depuis l’expédition de Pontmain, Gallais est désormais seul. Coquemont a quitté
Rennes le 13 juillet pour Paris en compagnie de sa jeune maitresse, originaire
de Cancale. Réfugié en Allemagne, il passera en Italie. On ne le reverra plus. Le
petit maquis de Saint-Hilaire-des-Landes se situe en fait au moulin d’Everre,
en Saint-Marc-sur-Couesnon, où une douzaine de jeunes FTP avait trouvé refuge.
Le 27 juillet au soir, les Allemands, accompagnés de leurs supplétifs du GAPPF
et de la Bezen Perrot donnent l’assaut et incendient le moulin. Quatre
maquisards sont fusillés sur place et cinq personnes emmenées à Rennes puis
déportées. Les Allemands ne sont pas arrivés là par hasard. Comme à Broualan,
le 7 juillet, les lieux avaient été repérés au préalable « Fin
juillet Garavel, Martin et Gallais ont été envoyés par le SD dans la région de
St-Aubin-du-Cormier où ils ont découvert un maquis » déclare
Armand Lussiez, du GAPPF, qui sera fusillé un an plus tard. Lucien Imbert commande le
groupe : « J’ai connu Gérald
Gallais le jour de l’expédition de St-Hilaire-des-Landes. C’est lui qui avait
détecté un maquis dans cette région et nous y avait conduits. Il n’a pas
cependant participé à la fusillade des 5 patriotes qui fut faite uniquement par
les Allemands sur ordre de Wentzel. » Jean Martin, 27 ans, fait
également partie du GAPPF : « J’ai connu Gallais rue d’Echange à Rennes, où il était agent du S.D.
C’est lui qui avait organisé l’expédition de Saint-Hilaire-des-Landes où j’ai
participé. Il avait fait une enquête dans la région et s’était procuré les mots
de passe des maquis. C’est lui qui appela les Allemands et au cours de cette
expédition quatre maquisards furent tués et d’autres faits prisonniers. Gallais
s’était spécialisé au S.D. dans la recherche des maquis. C’était un agent très
apprécié et dont tout le monde avait peur (…) Il expliquait qu’il était entré
au service du SD par idéal. »
Fuir à tout prix
Les
Américains aux portes de Rennes, c’est la panique pour les collabos rennais les
plus compromis avec l’occupant. Tous devinent le genre de châtiment qui les
attend s’ils tombent aux mains des résistants. Le GAPPF prend la fuite le 1er
août à bord d’un convoi composé d’un camion « réquisitionné », de la
moto de Coquemont et d’une voiture de tourisme, pour arriver au siège du PPF à
Paris le 10 août. Une semaine après, le groupe est à Chaumont, en Haute-Marne, où
il caserne dans un centre de formation professionnelle dont le directeur est Gaston Vitoux : « Le 19 août 1944, 35 PPF repliés de Rennes
sont arrivés en autocar à Chaumont et restèrent une semaine durant dans
l’immeuble que j’occupe actuellement. » D’après une enquête effectuée
auprès de la police de Reims : « Gallais
lui-même donna l’impression d’être un serviteur zélé de la SD de Chaumont.
C’est à ce titre qu’il fut signalé, dès la libération de la ville au CDL. »
Les membres du GAPPF ne sont pas les seuls bretons à Chaumont, puisque la Bezen
Perrot est également cantonnée dans ce bâtiment. Après être passé par Vittel, Épinal
puis Saint-Dié, le GAPPF atteint Lunéville, en Meurthe-et-Moselle, où il reste
une dizaine de jours, avant de se rendre à Cirey-sur-Vezouze, une commune
proche où le groupe va stationner plus d’un mois. Plusieurs opérations sont
alors menées contre la Résistance locale sous les ordres du SD de Rennes,
replié au château tout proche de Val-et-Châtillon. Parmi les patriotes arrêtés,
deux gendarmes de Cirey : Pierre Haxaire et Pierre Math, qui seront
déportés à Schirmeck puis à Dachau le 9 octobre où ils succomberont en février
1945. « J’ai participé à Cirey à
l’arrestation de deux gendarmes qui furent remis aux allemands et d’un épicier
nommé Valentin qui fut dévalisé. J’étais présent aussi lors du pillage du café
lorrain. Mes camarades se livrèrent de leur côté à diverses opérations, c’est ainsi
que fut arrêté à Val-ès-Châtillon un nommé Thomas. Il fut exécuté avec trois
autres prisonniers dans les bois proches de Cirey. J’avais creusé leurs fosses
avec Le Pottier sur ordre d’Imbert » déclare Lussiez. Jean Thomas,
chef de secteur FFI, est également arrêté le 1er octobre. Le 10
octobre, c’est au tour d’un autre gendarme, Jean Coupaye, d’être arrêté à
Blâmont puis emmené au château de Val-et-Châtillon. Le 14 octobre, Thomas et
Coupaye, plus deux autres FFI, Morquin et Roger, sont transportés dans la forêt
de Maîtrechet, proche de Cirey, pour y être exécutés. D’après Roger Welvaert, du
GAPPF, le peloton d’exécution, commandé par deux officiers allemands, Brower et
Winzel, était composé de : Imbert ; Chaperon ; Tilly (qui sera
fusillé à Rennes) ; Terrier et Gonzales. Le même Welvaert
ajoute : « Pendant le séjour à
Cirey, Gallais, Gugliometti et sa femme ont été envoyés en camp de
concentration de Schirmeck pour avoir puisé dans la caisse du groupe et s’être
rendus coupables de malversations envers les camarades. Nous n’avons plus
jamais entendu parler d’eux. » Gaston Guglielminotti et sa femme
étaient accusés par Imbert de malversations envers les autres membres du groupe
et d’avoir puisé dans la caisse du GAPPF. Réchappé de camps, Guglielminotti va
revenir en France : « Parmi
les personnes arrêtées je peux citer le curé de Petitmont, deux gendarmes de
Cirey dont un fut maltraité par Gallais. Toutes ces personnes furent déportées
en Allemagne. J’en ai retrouvé plusieurs au camp de Schirmeck et de Dachau.
C’est le 13 octobre 1944 que j’ai été arrêté sur ordre d’Imbert et envoyé à
Schirmeck avec les autres prisonniers du groupe. Imbert donna comme motif de
mon arrestation le fait que je lui ai escroqué une certaine somme d’argent. En
réalité c’était là l’aboutissement d’une vieille rancune qu’il gardait contre
moi. » Lorsque l’on connait les méthodes du GAPPF et de son chef,
c’est l’hôpital qui se moque de la charité : « Lors d’une perquisition chez des particuliers, il s’empara d’une somme
d’une quarantaine de 1 000 francs ce qui motiva son envoi dans un camp de
concentration à Schirmeck près de Strasbourg. Á part cela, je sais très peu de
choses sur son activité car il était très renfermé. Il nous racontait
simplement que son père avait été arrêté par la Gestapo à Fougères et qu’il
avait évité sa mort en enlevant du domicile paternel les armes qui s’y trouvaient.
Il expliquait qu’il était entré au SD par idéal. » Les troupes alliées
approchant de la frontière allemande, le GAPPF franchit le Rhin et s’installe à
Neustadt. Les camps de Schirmeck et du Struthof sont libérés par les Américains
le 22 novembre 1944.
Trois mois, trois camps
Avec le
retour des déportés et prisonniers politiques qui ont survécu aux horreurs des
camps nazis, les autorités judiciaires disposent de témoignages précis sur les
dénonciations de résistants et patriotes. Les collabos ou miliciens arrêtés en Allemagne
sont également renvoyés en France et livrés à la justice, permettant ainsi de
réactiver les procès de l’épuration. Ayant appris par les interrogatoires des
inculpés du GAPPF que Gallais avait été interné à Schirmeck, les policiers
rennais contactent leurs collègues de Strasbourg, qui répondent le 18 septembre
1945 : « Tous les internés de
Schirmeck et du Struthof ont été déportés en Allemagne 2 ou 3 jours avant
l’arrivée des alliés, les documents ayant été emportés ou détruits par les
Allemands en majeure partie, il n’est pas possible d’établir si Gallais se
trouvait au dit camp avant l’arrivée des Américains. » Ce n’est qu’au
mois de juillet 1947 qu’Andrée Gallais apprendra que des objets personnels ayant
appartenu à son fils, lors de son arrivée à Dachau, ont été retrouvés lors de
la libération du camp par les Américains le 29 avril 1945. Entre temps, Gérald
Gallais avait été transféré à Auschwitz, où il est décédé le 16 janvier 1945, quelques
jours avant la libération du camp par l’Armée Rouge.
Encore
aujourd’hui, les circonstances du décès de Gérald Gallais, trois mois seulement
après son arrestation, restent un mystère. Comme l’est sa décision de
collaborer « par idéal », deux ans après la chute du groupe, avec ceux-là
mêmes qui dénoncèrent ou déportèrent sa famille. Le sujet étant resté tabou sur
Fougères, on ne sait rien de sa personnalité. On le suppose influençable, comme
peut l’être un garçon de son âge ayant perdu ses repères familiaux. Il
également décrit comme discret, peu bavard et « renfermé sur
lui-même ». Il est un élément toutefois, qu’il n’est peut-être pas inutile
de rappeler. Très jeune, Gérald Gallais fut impliqué dans la vie politique de
ses parents. Son père était un ancien « Croix de feu », dont on
retrouvera plusieurs membres au sein du groupe. Ce qui ne plaisait pas à tout
le monde, comme en témoigne le résistant Henri Fleury : « J’ai
fait rentrer plusieurs camarades au groupe : Bocquet Armand, Lebastard,
Pégand, je précise que celui-ci refusa d’y rentrer. Notre chef de groupe était
le capitaine Gallais, gardien du château de Fougères. Il était
« Croix-de-Feu » et c’est la raison pour laquelle Gérard, qui était
communiste, refusa d’y entrer ». La dissolution des « Croix de Feu », en 1936,
donnera naissance au Parti social français, dont l’organe violemment
antisémite et anticommuniste La Volonté
Bretonne publia une photo du jeune scout Gallais. Le responsable de ce
journal n’était autre qu’Eugène Leclerc, de Landerneau, dont le fils Édouard
connaîtra lui aussi quelques déboires à la Libération.
L’affaire
Gérald Gallais ne sera pas close pour autant après le jugement de la Cour de
Justice. Le 18 avril 1950, Louis Pétri adresse une lettre au Ministère des
Anciens Combattants et Victimes de Guerre « Le comité des anciens
combattants FFI FTP de Fougères nous signale que vos services ont attribué la
mention « Mort pour la France » au milicien agent du SD allemand de
Rennes « Gallais Gérald ». Au nom du comité directeur de notre
association, nous vous adressons notre protestation sur cette regrettable
décision. Une enquête sérieuse aurait du être faite, sur la valeur des
témoignages jointe à la demande de Mme veuve Gallais pour l’obtention de la
mention « Mort pour la France » pour son fils. D’autre part, Mme
veuve Gallais a fait une demande de pension et de restitution du corps de son
fils à la Direction Départementale des Anciens Combattants et Victimes de
Guerre d’Ille-et-Vilaine. Dans sa séance du 21 février 1950, la commission
d’homologation FFI d’Ille-et-Vilaine a refusé d’examiner le dossier de Gallais,
suite aux renseignements qui lui sont parvenus. » Le 17 mai 1950, le
Ministère répond : « Comme
suite à votre lettre du 19 avril 1950, j’ai l’honneur de vous faire connaître
que, dès sa réception, des instructions ont été données pour que la restitution
du corps de Monsieur Gallais soit refusée à la famille. Quant à la mention
« Mort pour la France », une enquête, dont les résultats seront portés
à votre connaissance, est actuellement en cours. »
K.H.
Sources
utilisées : Dossiers René-Yves Hervé ADIV 213W52, Gérald Gallais ADIV 213W49,
Arthur Coquemont ADIV 213W60, Mathilde Le Gall ADIV 213W50, Fonds Pétri ADIV 167J5
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