jeudi 1 juin 2017

« Je meurs pour que vive l'Allemagne... » L'exception bretonne des criminels de guerre allemands condamnés à mort



Alors que l’historiographie sur l’épuration est abondante, les études comme les publications sur les procès des criminels de guerre allemands en France, sans que l’on ne sache trop pourquoi, sont assez rares. Ce constat, on le retrouve dans une intéressante communication du bulletin N° 80 (2002) de l’IHTP « Les procès pour crimes de guerre allemands en France après la Seconde Guerre mondiale », sujet d’une thèse allemande de Claudia Moisel, qui précise : « Les statistiques qui étaient jusque là disponibles concernaient principalement le nombre de crimes de guerre, c’est-à-dire des faits établis et juridiquement qualifiables estimés à 20 000, et le nombre de jugements par contumace, avec plus de 900 cas recensés. » Ce chiffre de 20 000 crimes de guerre « juridiquement qualifiables » émane du Service de recherche des crimes de guerre ennemis (SRCGE). C’est à peu près le même nombre, 20 127 crimes de guerre, qu’avance pour la première fois l’historien Henry Rousso en 1991, avec cet avertissement que l’action des tribunaux militaires est encore peu connue et que ces indications restent à vérifier. Ce chiffre du SRCGE a été établi sur la base des enquêtes menées auprès des maires des communes concernées par les délégués régionaux du SRCGE aussitôt après la Libération : « Le plus grand nombre aurait été commis dans la région de Nancy (2 655) ; suivent Lyon (1 950), Dijon (1 664), Orléans (1 606), Rouen (1 530), Paris (1 482), Reims (1 321), Poitiers (1 113), Limoges (900), Lille (877), Rennes (795), Angers (613), Bordeaux (600), Nice (597), St. Quentin (537), Montpellier (409), Clermont-Ferrand (382), Marseille (355), Strasbourg (322), Toulouse (319) et Metz (184) »
Les auteurs de ces 20 000 crimes de guerre n’ont pas tous été retrouvés, puisqu’en se basant sur un bilan établi en 1956 par la justice militaire, Claudia Moisel fait état de 18 765 criminels de guerre à avoir fait l’objet d’un ordre d’informer ou d’une citation directe, dont 16 407 auraient bénéficié d’un non-lieu. Ne resteraient donc plus que 2 358 criminels à avoir été condamnés. Au regard du nombre de crimes recensés, c’est vraiment peu. Ce chiffre est surtout révélateur des difficultés des enquêteurs a recueillir des preuves et de l’hésitation des tribunaux militaires à qualifier comme crimes de guerre des assassinats de civils, suspectés d’être des « terroristes », commis dans le cadre d’opérations menées contre la Résistance et à l’abri de tout témoin direct. En effet, d’après le « service central », du SRCGE probablement, cité par Claudia Moisel, sur les 2 345 criminels de guerre jugés en France, 1 031 ont été jugés contradictoirement (donc en leur présence), et 1 314 par contumace (Contumax que l’on ne retrouvera évidemment jamais). Selon cette même source, les tribunaux militaires ont prononcé 695 peines criminelles, 465 peines correctionnelles et 377 acquittements. La peine de mort aurait donc été prononcée un peu plus de 800 fois « Ce chiffre semble peu important en comparaison du nombre de personnes qui se sont vues infliger la peine de mort pendant l’épuration en France » ajoute Claudia Moisel. En effet, d’après les statistiques les plus récentes, les Cours de justice ont statué sur 55 532 personnes et ont prononcé 7 037 peines de mort, soit 12,67 % des jugements. Les tribunaux militaires se seraient donc montrés plus sévères avec 34,11 % de peines capitales prononcées. Précisons tout de suite que ces condamnés n’ont évidemment pas tous été fusillés, contrairement à ce qu’on peut lire sur un site internet « L’Ouest en mémoire », avec un article signé François Lambert « L'activité des tribunaux militaires reste très mal connue. Toutefois, ils ont condamné à mort et fait exécuter près de 800 personnes. »
Ce chiffre de 800 condamnations à mort annoncé par le SRCGE serait-il très exagéré ? C’est ce que semble penser, à juste titre, Claudia Moisel qui se réfère à des statistiques allemandes « Pourtant, en France, la plupart des condamnations à mort sont rendues dans des procédures par contumace. À la connaissance des services allemands, 47 personnes sont exécutés, entre 1945 et 1951, pour avoir commis des crimes de guerre. » Les chiffres de la justice militaire lui paraissent également plus raisonnables « Selon la justice militaire, dans des procédures contradictoires, la peine de mort est prononcée 105 fois par les juridictions de la métropole ; 54 Allemands auraient été exécutés suite à leur condamnation devant un tribunal militaire. » On retrouve ces 2 345 criminels cités à plusieurs reprises « Selon les statistiques de la justice militaire - a priori plus fiables que les informations probablement incomplètes rassemblées par les autorités allemandes - 2 345 personnes ont finalement été condamnées pour crimes de guerre dont 1 314 par contumace. Une cinquantaine de personnes a été condamnée à mort et exécutée entre 1944 et 1951. »
Entre le chiffre de 800 peines de mort prononcées, avancé par le SRCGE, qui n’indique pas le nombre des exécutions, et celui de 105 peines prononcées, dont une cinquantaine d’exécutions, annoncé par la justice militaire, ou les 47 exécutions recensées par les services allemands, l’écart est trop important pour ne pas semer le doute. Ce que relève d’ailleurs Claudia Moisel « Une étude plus complète sur le nombre des jugements rendus pour crimes de guerre, le nombre des affaires instruites et le nombre des personnes impliquées, n’a par contre, à ce jour, jamais été publiée. » A défaut se statistiques indiscutables, on ne peut que constater l’extrême sévérité dont ont fait preuve les tribunaux militaires avec 50 % d’Allemands condamnés à mort réellement fusillés, contre 10,9 % de Français condamnés à la même peine par les Cours de justice.
Sur la base d’une liste des jugements de criminels de guerre allemands en France établie par le Tribunal Pénal International, dont Claudia Moisel n’avait peut-être pas connaissance à l’époque où elle a rédigé sa thèse, j’ai recensé 238 procès tenus par les tribunaux militaires en France de 1945 à 1948, avec copie des jugements. Un dépouillement systématique de toutes ces audiences permettrait de connaître le nombre exact des criminels jugés, qui pouvait être parfois plusieurs pour une même affaire, mais il n’y a malheureusement pas le nombre de condamnés fusillés. Cela dépassant le cadre de cette étude, j’ai donc limité pour l'instant mes recherches aux seuls jugements relevant du tribunal militaire de Rennes.
Crimes de guerre en Bretagne
La Bretagne ayant été l’une des premières régions à être libérée, les enquêtes sur les crimes de guerre ont pu commencer rapidement, bien que les principaux responsables, notamment les policiers du SD, soient en fuite vers l’Allemagne. L’autre raison que j’avancerai pour expliquer cette célérité et le nombre d’affaires résolues tient au fait que les suspects s’étaient pratiquement tous repliés dans la nasse qu’allait devenir la poche de Lorient. En effet, après le 10 mai 1945, date de la reddition du général Fahrmbacher, il ne restait plus aux enquêteurs qu’à identifier ces criminels parmi les milliers de prisonniers de guerre allemands (PGA) retenus dans les camps bretons. Ceux-ci seront ensuite transférés à Rennes, siège de la Délégation Régionale du SRCGE et du Tribunal militaire permanent de la XIe Région militaire. Les enquêtes ont été confiées aux inspecteurs de la 13e Brigade de Police Judiciaire de Rennes, où ont lieu les confrontations avec les témoins. Parmi ceux-ci, l’inspecteur François Resnais, dont j’ai pu suivre le parcours dans le Morbihan. A la lecture de ses rapports, et compte tenu des difficultés matérielles de l’époque, on mesure la complexité de sa tâche. Les témoignages sont rares ou imprécis et ne permettaient pas toujours de savoir de quelles unités allemandes – souvent composées d’éléments géorgiens ou ukrainiens – dépendaient les criminels.
Deux camps principaux accueillaient les PGA à Rennes : celui de Verdun (dépôt 1101) et celui de la Marne (dépôt 1102), situés tous les deux le long de la route de Redon.  Les conditions sanitaires y étaient déplorables. Un troisième camp, annexe du dépôt 1101, était situé au lieu-dit La Motte au Chancelier, route de Lorient. Il abritait un peu plus de 300 PGA retenus comme témoins dans les procédures judiciaires en cours sur les crimes de guerre commis en Bretagne. Ces témoins ne doivent pas être confondus avec les prévenus, qui sont incarcérés à la prison Jacques Cartier. C’est le cas par exemple d’Herbert Schaad, l’interprète du sinistre Kommando de Landerneau. Le général Fahrmbacher, poursuivi lui aussi pour crimes de guerre – il bénéficiera d’un non-lieu – semble avoir bénéficié d’un régime particulier puisqu’il était interné dans un « Ilot spécial » du camp de la Marne.
Contrairement à ce qu’annonçait Ouest-France le 7 juillet 1945, ce n’est pas à Rennes, mais à Bordeaux le 23 février 1945 qu’a été condamné à mort le premier criminel de guerre allemand. Par contre, il ne fait aucun doute que « Pour la première fois en France » 6 criminels de guerre se retrouvent dans le même box des accusés. L’événement à une portée nationale, avec des images d’actualités http://www.ina.fr/video/AFE86003180 d’un tribunal qui prend des allures de mini-Nuremberg avant l’heure. D’après la liste des jugements établie par le TPI, il y aurait eu 15 audiences du Tribunal militaire permanent de Rennes, dont 5 du tribunal de Paris transféré à Rennes. 34 militaires allemands ont été jugés pour crimes de guerre. La peine de mort a été prononcée lors des 9 procès suivants :
1) Le 12 juillet 1945 donc, s’ouvre à Rennes le procès de 6 criminels de guerre allemands. Les faits remontent au 9 août 1944, lorsque les Allemands arrêtent 6 paysans, dont deux enfants, qu’ils accusent d’avoir guidé les chars américains à travers un champ de mine. Ces civils n’étaient pas armés et leurs papiers étaient en règle. Sans autre forme de procès, le capitaine de frégate Georges Hillenbrand donne l’ordre à ses hommes de les fusiller. Ils seront tous abattus d’une rafale de mitraillette dans le dos au lieu-dit Manébos en Lanester. Le capitaine Hillenbrand, le caporal-chef Colbberg, l’adjudant Schietzsch, le caporal-chef Böhl et le caporal-chef Leonhart, sont condamnés à mort puis fusillés le 27 avril 1946 au stand de tir de Coëtlogon. Le caporal-chef Ballspach échappe à la sentence capitale avec une peine de 20 ans de travaux forcés.
2) Le 17 octobre 1945, c’est au tour de l’oberleutnant Karl Troschke, d’être accusé d’avoir exécuté sans jugement un civil désarmé. Les faits remontent au 15 juillet 1944, lorsque Troschke pénètre au domicile de M. Bienvenu, qu’il soupçonne d’avoir écouté la radio de Londres, au lieu-dit les Quatre-chemins à Larmor-Plage. Lors de la perquisition, Troschke découvre un poste de TSF caché à l’étage. Sans jugement, alors que le fait d’écouter une émission de radio interdite entrainait généralement une peine de travaux forcés ou une amende pour les cas les moins graves, Troschke abat aussitôt M. Bienvenu d’une balle dans la nuque en présence de sa femme. Le corps est ensuite transporté de nuit sur une charrette pour être enterré dans une fosse à Kernevel. Condamné à mort, Troschke sera fusillé le 30 mars 1946 au stand de tir de Coëtlogon.
3) Le 30 octobre 1945, le capitaine Stiesshl, le lieutenant Kruger et le sous-lieutenant Berr, comparaissent à leur tour pour avoir participé aux exécutions ordonnées par Hillenbrand le 9 août à Lanester. Ces trois officiers avaient été dénoncés lors de l’audience du 12 juillet, ce qui entraina donc l’ouverture d’une deuxième information. Malgré un pourvoi en cassation qui sera rejeté, les trois officiers sont condamnés à la peine de mort. Je n’ai pas la date de leur exécution.
4) Le 28 janvier 1947, c’est l’adjudant-chef Paul Hartmann, accusé d’avoir « volontairement donné la mort à un patriote français » qui fait face à ses juges. Les faits se passent à nouveau devant la poche de Lorient, le 10 août 1944, lorsqu’un lieutenant allemand amène au PC de son unité un jeune civil trouvé paraît-il en possession d’un revolver et de cartouches. Le prisonnier est confié à l’adjudant-chef Hartmann qui l’entraîne un peu plus loin, derrière une maison de Lorient en ruine, l’oblige à se coucher au fond d’un trou causé par une bombe et l’exécute d’une rafale de mitraillette dans la nuque. Condamné à la peine de mort, Hartmann sera fusillé le 1er juillet 1947 au stand de tir de Coëtlogon.
5) Le 29 janvier 1947, l’audience reprend avec une nouvelle affaire de civil exécuté sans jugement. Au mois d’octobre 1944, à une date inconnue, Marcel Lorans, un jeune homme originaire de Riec-sur-Belon, se présente devant les lignes allemandes à Guidel. Arrêté, il est conduit devant le sous-lieutenant Heikhaus, qui commande le point d’appui. Lors de son interrogatoire, Lorans, qui parle l’allemand, explique qu’il souhaitait rejoindre l’arsenal de Lorient où il avait déjà travaillé pour les Allemands… Heikhaus informe son supérieur, le capitaine Goluke, de sa capture et attend les ordres. Quelques instants plus tard, Goluke rappelle Heikhaus et donne l’ordre de fusiller Lorans sous le prétexte qu’il connaît désormais la position des lignes allemandes. Heickhaus et les sergents Wiegner et Biewald, emmènent le prisonnier dans un chemin et lui signifient qu’il va être relâché. Après avoir parcouru quelques mètres, Biewald abat Lorans d’un coup de revolver dans la nuque. Goluke et Wiegner, qui n’ont pu être retrouvés, sont condamnés par contumace à la peine de mort pour le premier et 20 ans de travaux forcés pour le second. Heikhaus et Biewald écopent chacun d’une peine de TFP.
6) Le 30 janvier 1947, c’est au tour de l’Adjudant-chef Wilhelm Bosse d’être condamné à mort pour avoir exécuté 5 civils à Plounevez-Lochrist, le 8 août 1944. Ce jour-là, alors qu’il repliait avec ses hommes sur Brest face à l’avance des chars américains, Bosse essuya des coups de feu. Pensant qu’il s’agissait de résistants locaux, en fait d’autres Allemands, Bosse stoppa sa colonne et décida d’engager une expédition contre le village de Kernic, dont les habitants s’étaient réfugiés dans une tranchée pour éviter les coups de feu. Des grenades sont jetées sur ces civils sans défense et Bosse abat ceux qui tentèrent de s’enfuir, dont un vieillard de 79 ans et un gamin de six ans. Il sera fusillé au stand de tir de Coëtlogon le 12 août 1947.
7) Toujours le 30 janvier 1947, cinq autres accusés sont jugés pour des incendies volontaires commis le 7 août 1944 à Loguivy. Avant de quitter le port devant l’avance des Américains, les Allemands incendièrent 48 bateaux de pêche et la maison qui leur servait de cantonnement. Sur les cinq accusés, seul le caporal-chef Schinker est présent. Il est condamné à 15 ans de travaux forcés. Les soldats Sievert et Lutzmann sont condamnés à la même peine par contumace. Le Lieutenant Werner qui donna l’ordre et l’Adjudant Stermann sont condamnés à la peine de mort par contumace.


8) Le 9 mai 1947, comparaissent 6 criminels de guerre, dont le colonel Reese, qui donna l’ordre au major Esser de fusiller une cinquantaine de patriotes au fort de Penthièvre, le 14 juillet 1944, et l’Adjudant-chef Poërschler, qui exécuta trois résistants à Elven le 15 juillet 1944. Compte-tenu du grade supérieur de Reese, c’est un tribunal spécial qui a été constitué avec pas moins de 5 généraux et un colonel entourant le président. Le colonel Reese, l’adjudant-chef Poerschler et le sergent Winkler, ce dernier par contumace, sont condamnés à la peine de mort. Le major Esser est condamné aux TFP, le capitaine Steinmuller à 10 ans de travaux forcés et le lieutenant Sperl à 15 ans de travaux forcés. Reese et Poerschler seront fusillés au stand de tir de Coëtlogon le 11 octobre 1947.
9) Le 10 février 1949, le capitaine Von Maltzahn, doit répondre d’un crime de guerre commis le 28 août 1944. Une patrouille avait arrêté un civil, Albert Le Roy, de Larmor-Plage. Il est conduit auprès du capitaine Von Maltzahn à Ploemeur, qui donne l’ordre de le fusiller comme espion. . Informé de cette exécution, le général Fahrmbacher fait inculper de meurtre Von Maltzahn qui est destitué de son commandement et interné à Port-Louis. Condamné à mort, il sera fusillé le 4 juillet 1949 au fort de Montrouge. Il semble que ce soit le dernier criminel de guerre allemand condamné à mort à Rennes.
Hormis les deux affaires de Loguivy et de Plounevez-Lochrist, ces crimes de guerre, commis contre des civils qui n’avaient aucun lien avec la Résistance, ont tous été commis dans le Morbihan, principalement autour de la poche de Lorient. Sur les 795 crimes de guerre recensés par la délégation régionale de Rennes du SRCGE, et sur la base de la liste du TPI, seulement 34 criminels allemands ont été jugés. Ce qui peu paraître très peu par rapport aux 1 300 civils jugés par les Cours de justice en Bretagne, sauf que les peines de mort ne représentent que 13 % des jugements, soit une centaine, dont 30 % seulement seront réellement fusillés. Il est vrai que dès l’été 1944, et avant que ne soient installées ces Cours de Justice, les maquisards avaient déjà commencé ce que l’on appelle aujourd’hui l’épuration « extrajudiciaire ».
L'exception bretonne
A défaut d’avoir eu à juger de nombreux criminels, le tribunal militaire de Rennes s’est montré extrêmement sévère, puisque sur 34 accusés, 18 ont été condamnés à la peine de mort (dont 4 par contumace) soit 52,9 %. 13 criminels allemands ont donc été fusillés à Rennes. C’est un peu moins que les 19 fusillés sur les 86 condamnés à mort de la Cour de justice de Rennes. Mais la comparaison n’est pas très pertinente dans la mesure où la Cour de Rennes a récupéré des procès qui devaient se tenir à Vannes, Quimper ou Saint-Brieuc. Dans cette dernière ville par exemple, à la suite des incidents lors du procès du jeune Roger Elophe, qui a été condamné aux TFP alors que les victimes attendaient la peine de mort et que des résistants en arme attendaient devant le tribunal pour lui régler son compte, le juge Dauvergne décida de déplacer le procès du tristement célèbre Maurice Zeller et sa bande, au Palais de justice de Rennes.
Je n’ai pas réussi à localiser précisément où se trouvait le stand de tir de Coëtlogon, probablement entre le château éponyme et le Boulevard de Verdun. Il semble en effet que cet édifice servait avant-guerre de stand de tir pour les soldats de la caserne Mac-Mahon. Le seul témoignage d’une exécution en ce lieu d'un criminel de guerre allemand est ce petit article paru dans Ouest-France, où il apparaît que l’officier a fait preuve d’un certain cran face au peloton : « Karl Troschke, dont le pourvoi avait été rejeté, a été exécuté hier matin, au stand de tir de Coëtlogon, à Rennes. Le bourreau nazi – nous devons à la vérité de le dire – est mort courageusement. Après avoir, dans un impeccable « garde à vous », salué militairement le peloton d’exécution que commandait l’adjudant-chef Chauvin, du 3e train des équipages, il prononça cette phrase, dans laquelle il laissait deviner le fanatisme criminel qui fit de lui un assassin : « Je meurs pour que l’Allemagne vive… » A 6h45, justice était faite. »


Ajouté le 1er juin





Tribunaux
Nbr de procès
Nbr de criminels
Nbr de peines de mort
% 
Angers
4
5
1
20 %
Bordeaux
12
26
7
26,9 %
Clermont-Ferrand
5
10
4
40 %
Dijon
7
11
3
27,2 %
Lille
2
2
0

Lyon
30
63
18
28,5 %
Marseille
6
7
6
85,7 %
Metz
102
132
7
5,3 %
Montpellier
2
2
0

Nancy
12
14
1
7,1 %
Paris
15
17
1
5,8 %
Rennes
10
31
17
54,8 %
Strasbourg
11
26
10
38,4 %
Toulouse
19
32
9
28,1 %
Tunis
1
1
0

Total
238
379
84



Ce tableau a été réalisé sur la base des 238 procès pour crimes de guerre inscrits sur la liste dressée par le TPI (1945 à 1948). Il faudrait pouvoir la recouper avec d’autres sources pour en garantir l’exhaustivité. Cependant, avec 379 criminels de guerre jugés, il est possible de se faire une idée assez précise de la réalité des peines prononcées par les tribunaux militaires français : 84 accusés ont été condamnés à la peine de mort, soit 22 % (dont 16 par contumace), 25 accusés aux TFP, 76 aux TFT, 143 à des peines d’emprisonnement, et 53 ont été acquittés. Nous sommes donc très éloignés des chiffres cités par Claudia Moisel. Ces résultats appellent cependant quelques remarques. Le tribunal de Marseille tout d’abord, avec 85,7 % de condamnés à mort pour 6 procès. Il s’agit en effet de la même affaire de quelques militaires allemands et de « prévenus civils de nationalité italienne » jugés pour « association de malfaiteurs ». Ces civils, dont une femme de 32 ans, dite « Maguy », originaire de Monaco, traduits devant un tribunal normalement destiné aux seuls militaires, étaient en fait des agents de la Gestapo de Marseille.
Lorsque l’on évoque les procès pour crimes de guerre allemands, nous viennent immédiatement à l’esprit les images du procès de Nuremberg, celles de la Shoah, mais aussi des femmes et des enfants exécutés dans l’église d’Oradour ou bien encore des pendus de Tulle. On a du mal à imaginer qu’un vol de lapins ou de vélos puissent être qualifié comme crime de guerre dès lors qu’il a été commis par un militaire, comme le stipule avec un certain flou la Charte de Londres de 1945 « Les violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l'assassinat, les mauvais traitements et la déportation pour des travaux forcés ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires. » C’est pourtant ce qui explique le chiffre étonnant des 102 audiences du tribunal de Metz. En effet, sur les 132 condamnations prononcées, une bonne centaine d’entre-elles sont de simples peines d’emprisonnement pour des vols de chevaux, de bicyclettes, de victuailles de toutes sortes ou d’objets divers, dont les coupables, des PGA, ont été retrouvés. Le tribunal au grand complet a ainsi condamné à 15 jours de prison un criminel allemand pour un vol de vaisselle. Par contre, rien de tel par pour les tribunaux de Lyon et de Rennes avec respectivement 18 et 17 peines de mort prononcées. Mais, avec deux fois moins de criminels jugés que dans la capitale des Gaules, celui de Rennes a fait preuve d’une exceptionnelle sévérité avec 54,8 % des accusés condamnés à la peine capitale. Cette exception bretonne nécessiterait peut-être une réflexion un peu plus approfondie.

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