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Analyse des tendances du Parti National Breton pendant l’Occupation
« Le
but de cette analyse est d’éclairer le 5e Bureau de l’État-Major sur
l’activité du PNB et de ses mouvements internes qui se confondaient avec lui et
dont l’activité pro-allemande était aussi grande que celle du PPF. Il s’agit
des formations paramilitaires et des agents de la Gestapo qui après l’échec du
Congrès de Pontivy et de la politique de Mordrel continuèrent leur politique
germanophile. »
Suit un rappel historique de 3 pages sur la création du Conseil
National Breton (CNB) au mois de Juillet 1940.
« La
plus grande partie des Germanophiles restèrent au PNB. Le Mouvement breton ne
se présentait pas à cette époque sous un aspect d’unanimité mais en ordre dispersé.
Répartis en groupes et tendance de tout ordre, les adhérents étaient
Germanophiles, anglophiles, soviétophiles, etc.
Delaporte
donna un coup de barre, il éloigna la direction du parti de la tutelle
allemande ; il voulut effectuer une union autour de son programme et
concilier toutes tendances en gardant pour le parti une attitude de neutralité
vis-à-vis du conflit. Il abandonna la Swastika et pris comme signe du PNB, la
Triskelle ; il semble qu’il voulait montrer le changement radical de la
politique car la Swastika ressemblait trop à la Croix Gammée. Delaporte Raymond
n’avait aucun penchant particulier pour l’Allemagne, le PNB pris alors plus
d’ampleur et le nombre des adhérents, augmentant était près de 7 000 en
1942. »
Cette estimation me parait bien exagérée. La dernière source (CDL 35) des Renseignements Généraux que j’ai pu consulter est une boite contenant près de 2 000 fiches individuelles de membres et sympathisants du PNB. Le tirage de L’Heure Bretonne était d’environ 30 000 exemplaires. Nous avons une copie du fichier des 3 000 abonnés.
Page
5 (extraits)
FORMATION PARA-MILITAIRE
« Vers
la mi-août 1940, le CNB chargea Lainé de constituer une milice.
Une
trentaine d’individus, hommes et femmes, s’installèrent dans la propriété du
commandant Le Bourhis au manoir de Kerriou. Un bail régulier fut passé chez M.
Le Goff, notaire à Gouézec (chef cantonal du PNB) entre le commandant Le
Bourhis, propriétaire et M. Lainé Célestin, chef de l’unité ; le camp
s’organisa immédiatement sous les directives de M. de Quélen, avocat au barreau
de Guingamp, et le nommé Couerre Armand fut spécialement chargé du
ravitaillement de ce groupe organisé militairement.
Fin
août 1940, ce groupe manifesta l’intention de se produire dans le bourg de
Gouézec, et M. le Maire dut, le 4 août, prendre un arrêté d’interdiction, en ce
qui concerne ce défilé, afin d’éviter des incidents graves, qui n’auraient pas
manqué d’éclater entre la population et les manifestants. Le manoir ayant été
réquisitionné par M. Hollard, sous-préfet de Châteaulin pour y installer un
centre de jeunesse, l’unité quitta la région le 14 mai 1941. »
Suit une liste nominative de 24 personnes ayant séjourné au manoir
entre août 1940 et mai 1941.
« Emploi du temps d’une journée : Matin ½ heure de culture physique – déjeuner – 1 heure de cours en breton – lectures politiques – culture physique – dîner – marche en campagne de 2 à 3 heures – leçon de conduite auto et note – corvées – souper – cours de langue allemande qui n’était pas suivi par tout le monde – la nuit, ils allaient faire des inscriptions. »
Manoir de Kerriou. On remarque la Traction Citroën de Debauvais |
Page
6 (extraits)
LES BAGADOU STOURM (Section d’assaut)
« Les
Bagadoù Stourm (section d’assaut) parallèlement à l’évolution politique du PNB
s’était constitué une équipe de jeunes gens sous la direction de Yann Goulet
qui avait pour but de faire la police dans les Congrès et d’assurer une sorte
de parade militaire pour donner un certain cachet. Mais le but secret des
germanophiles était de d’en faire une milice. Lainé sut se créer un noyau
agissant. Les Bagadoù Stourm manœuvraient militairement (sans arme), il semble
que la direction du PNB n’avait pas le contrôle exact de cette milice dont un
grand nombre de membres suivirent Lainé et Guieyesse pour constituer la
formation Perrot.
Les Bagadoù Stourm qui prirent par la suite le nom Strolladoù Stourm (troupe de parti) n’étaient pas une organisation de collaboration, mais des individualités sous la direction de Lainé, étaient employées au « civil » comme agents de renseignements de la police allemande au même titre que les éléments du CNB qui avaient suivis Mordrel en 1940. »
FORMATION PERROT
« Lainé
en quittant le PNB en novembre 1943 en plein désaccord avec Delaporte entraîna
tous les éléments pro-allemands des « Strolladoù Stourm » et du PNB.
Il sut convaincre les hésitants. Il recruta les éléments qui avaient suivi
Mordrel et avec lesquels il était resté en liaison pour former une milice qui
prit le nom de Perrot après l’exécution de l’abbé Perrot par la résistance. »
Suivent 4 pages sur les opérations du Bezen et sa composition avec
une liste nominative de 75 noms et 11 pseudonymes non identifiés.
« La liste ci-dessus est loin d’être complète, il est très difficile de connaître, non seulement, tous les noms des membres de la formation, mais même de connaître leur nombre approximatif. Car une partie est venue à Rennes pour servir dans une formation de combat sous la direction des Allemands, les membres de l’autre partie qui ont répugné à porter l’uniforme allemand opéraient dans toute la Bretagne comme agents de renseignement, les individus étaient chez eux. Il est probable que quelques-uns y sont encore, il est très difficile de les détecter car ils sont peu connus ; ils se méfient des PNB qui n’hésiteraient pas à les dénoncer. Beaucoup n’ont pas appartenu au PNB ils ont été recrutés au moment de la formation de l’unité Perrot. L’effectif total de cette milice est évalué à 300 membres. 150 environ étaient casernés à Rennes. »
Page
11 (extraits)
LES CHEFS DU PNB
Portrait de Raymond Delaporte et rappel de ses activités culturelles d’avant-guerre. Article « L’Europe va se reconstruire » qu’il signa le 18 octobre 1941 dans L’Heure Bretonne « qui montre qu’il était anti-soviétique et un utopiste ».
« ATTITUDE
VIS-A-VIS DE L’ALLEMAGNE : Il semble que Delaporte se soit efforcé de
suivre une politique de neutralité, mais sans être germanophile, il était
anglophile sans doute par solidarité avec les Irlandais. Il ne ménagea pas ses
attaques contre le gouvernement de Vichy. Car malgré les démarches, les
revendications du PNB n’étaient pas acceptées. L’attitude de R. Delaporte
dictée par des nécessités démontre que le 8 décembre 1940 ; ce n’est
peut-être pas en plein accord avec Mordrel qu’il prit la tête du parti breton
mais il s’est prêté à une manœuvre qui avait pour but de tromper les masses
bretonnes et de les entrainer à la remorque de l’Allemagne, car si par la
suite, il fut en opposition constante avec les germanophiles, c’est que les
résultats de la politique n’étaient pas assez rapides et ne correspondaient pas
à leurs espoirs. Le 18 octobre 1941, Delaporte signa un article qui montre
qu’il était anti-soviétiques et un utopiste persuadé de la victoire allemande,
il croit qu’elle apportera une solution aux revendications des dirigeants du
PNB et aux Celtes en général.
Delaporte essayait d’exploiter les sentiments anti-vichyssois des bretons. Il avait la responsabilité de la politique qui devait faire le jeu de l’Allemagne. S’il a exclu certains extrémistes, c’est que leur attitude risquait de choquer les sentiments des bretons et de compromettre l’influence que le PNB prenait sur les masses. Il est à noter que les pro-allemands se retirèrent en 1943 mais ne furent pas exclus. Delaporte camoufla les agissements de ces derniers, afin de conserver un semblant d’unité pour son parti. Il porte la responsabilité de la confusion qui règne dans les esprits sur l’ensemble du PNB et sur l’activité de ce parti. »
Page 15 (extraits)
« Les
membres du PNB étaient sous l’influence de leurs chefs de clan ou de tendance.
Les
anglophiles
avaient le docteur Leclair déporté en Allemagne qui militait dans la région de
Morlaix, où il avait été nommé chef d’arrondissement par Hervé Delaporte
docteur, frère de Raymond qui remplaça Le Berre dans le Finistère sur l’insistance
de son frère. L’extrait de la lettre suivant montre que les frictions entre
tendances étaient sérieuses et que les pro-allemands pourraient être à l’origine
de la déportation du docteur Leclair. »
Suit l’extrait d’une lettre dénonçant comme anglophile notoire le chef d’arrondissement de Morlaix. Elle est signée par un certain Rohou, qui vient d'être exclu du PNB, restaurateur à Landivisiau, chez qui étaient réunis les Bagadoù Stourm lors de incidents du camp d’été d’août 1943.
Les
Germanophiles :
les chefs de cette tendance étaient Mordrel, Laisné, Guieysse, Gaignet, de
Quelen, Debauvais (décédé).
Ils
obtinrent la libération de 360 prisonniers bretons en 1940 alors qu’ils avaient
la direction du CNB, qui devint par la suite le PNB.
Les
prisonniers libérés adhérèrent au PNB. Quelques-uns furent recrutés par Lainé
pour le service des Allemands (Gestapo, Milice Perrot, etc.) mais la plus
grande partie suivirent Delaporte Raymond, d’autres ne militèrent pas, ils
avaient trouvé une bonne occasion de sortir des camps. Tous les prisonniers
sont connus du 5ième Bureau et il est facile de rechercher quelle a
été leur activité pendant l’Occupation. »
Nous disposons effectivement d’une liste de 275 prisonniers bretons libérés ayant versé une cotisation en 1941.
Page
16 (extraits)
CONCLUSION
« Il
est impossible de juger l’activité des membres du PNB sur l’attitude des chefs
et sur les articles de L’Heure Bretonne.
On
trouve au sein du PNB :
1) Des gens qui ne s’occupèrent que de
culture bretonne (folklore, musique, littérature, histoire, médecine, etc. Il
existait un institut celtique fondé en octobre 1941, son but était :
a)
Encourager
et organiser les études intéressant la vie du peuple breton.
b)
Susciter
et développer toutes les manifestations propres au génie du peuple breton en
dehors de toute action politique.
c)
D’appuyer
le rayonnement de la langue bretonne et la culture d’expressions bretonnantes.
2) Des individus qui ont tout fait
pour être les valets d’Hitler (agents de la gestapo, unité pour combattre les
maquis).
3) Des gens qui ont participé
effectivement à la résistance en combattant les armes à la main.
4) Des gens qui ont aidé la résistance.
Exemple : le docteur Hervé Delaporte de Châteauneuf-du-Faou qui fut le
médecin des maquis organisés dans la région de Châteauneuf-du-Faou.
5) Des gens qui n’ont rien fait pour ou contre la Résistance. Ce sont les plus nombreux.
Si
les membres du PNB s’étaient tous rangés sous les ordres de Lainé, si les
Allemands avaient pu se servir de ce parti comme du PPF, il est certain que la
Résistance en Bretagne aurait rencontré de grosses difficultés supplémentaires.
De nombreux paysans sont membres du PNB ou sympathisants et le ravitaillement dans
les fermes aurait été délicat.
Ce
serait une grosse erreur de prendre une mesure générale contre l’ensemble des
membres du PNB. La preuve est faite pour certaines mesures prises dans le
Finistère qui entrainèrent une manifestation populaire dans le nord du
département. Il y a actuellement beaucoup de PNB internés, principalement dans
le Finistère dont les dossiers ou les cas n’ont été soumis à aucune étude.
Chaque cas doit être examiné, tous ceux qui sous quelque forme que ce soit ont
aidé l’occupant doivent être sévèrement châtiés, mais tous les adhérents du PNB
ne peuvent être assimilés à ces derniers et le fait d’avoir été adhérent du PNB
ne doit pas entrainer automatiquement une sanction administrative ou pénale.
Le capitaine fait probablement allusion à la rafle du général Allard
des 26 et 27 novembre 1944 qui verra environ 500 nationalistes, hommes et
femmes, arrêtés en Bretagne. 141 personnes seront détenues au camp Margueritte
de Rennes. Au 5 janvier 1945, 87 avaient été libérées.
Gwenn ha Du qui a organisé en France des attentats pour gêner l’action militaire pendant la guerre ne doit pas être confondu avec le PNB. Gwenn ha Du fera l’objet d’une prochaine synthèse du 5e Bureau de l’État-Major 11e Région Militaire. »
Page 18 (extraits)
« La
situation générale était celle-ci : le CNB n’avait aucune influence sur
les masses bretonnes, Mordrel était un homme impopulaire en Bretagne parce que
politicien connu comme agent de l’Allemagne, son influence ne s’exerçait que
sur un petit cercle d’adhérents, malgré le financement du parti par Goebbels,
malgré les moyens employés pour acquérir de l’influence (libération de
prisonniers de guerre bretons). Les propagandistes allemands n’auront pas de
mal à comprendre qu’il n’était pas l’homme de la situation et qu’il n’y avait
aucune chance d’arriver au but en lui laissant la direction du parti, d’où sa
démission en expliquant que la ligne politique qu’il a tenue ne correspondait plus
aux nécessités, on ne peut être plus explicite. L’homme qui devait jouer le
rôle de Pétain en Bretagne n’était pas Mordrel.
Tous
les actes et les résultats obtenus par son successeur montrent que c’était lui
l’homme de Goebbels.
Delaporte dès son arrivée à la tête du PNB donna à son parti une orientation nouvelle qui correspondait mieux aux sentiments bretons. Il n’est pas compromis dans les événements politiques d’avant-guerre, il est surtout populaire pour son activité dans la branche culture bretonne – dont le choix est bon – le changement d’emblème correspond à un plan politique bien établi. Certes la tâche est rude, il faut emmener les Bretons à la remorque de l’Allemagne. Il est évident que cela ne pourra être le fruit que d’une politique à longue échéance. Certains adhérents pro-allemands ne l’ont pas toujours compris, dès qu’ils s’éloignaient de la ligne de conduite nécessaire pour arriver au but, ils étaient éliminés. Il est prouvé que la ligne politique de Delaporte fut plus ingénieuse que celle de Mordrel car le nombre fut en constante progression (…) On pourrait poser une question qui nous semble logique et qui est motivée par une contradiction apparente : pourquoi le PNB dénoncé par les pro-allemands « comme un repaire de Gaullistes honteux » (sic) ne fut-il pas dissout au moment du départ des éléments qui devaient constituer l’unité Perrot ? »
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Conférence
de presse du Général De Gaulle en visite dans le Morbihan.
- Avez-vous
cru qu’une partie importante de la Bretagne était autonomiste ?
- Je vous
dirai franchement, répond le général, que mes préoccupations se sont très
souvent arrêtées sur la Bretagne, mais je n’ai pas fait grande place aux
revendications inopportunes des autonomistes bretons. Il se peut qu’en Bretagne
il y ait eu des conceptions assez différentes sur la position de cette province
à l’égard de la France, mais devant l’ennemi cela ne comptait pas, et je n’en
ai jamais tenu compte.
- Vous
comptiez de nombreux bretons dans vos rangs ?
- Je crois
bien ! Au début c’est presque la moitié des effectifs, ensuite l’élément
breton y tint toujours une forte place.
- Pensez-vous
qu’on puisse assimiler les autonomistes bretons, que l’on juge actuellement, à
des criminels de guerre ?
- Je ne
connais pas les éléments des procès, et d’ailleurs ce n’est pas moi qui rend la
justice. Si les autonomistes ont trahi, ils seront punis pour trahison. S’ils
n’ont été qu’autonomistes sans avoir trahi, c’est une autre histoire. A mon
avis voilà comment la question se présente.