vendredi 12 juillet 2019

La face cachée de l'action des parachutistes du SAS en Bretagne


Si les crimes commis par certains résistants lors de l’épuration « extrajudiciaire » ont fait l’objet de nombreuses études ou publications, l’implication des parachutistes français du SAS dans ces exécutions sommaires reste aujourd’hui encore assez méconnue, sinon un sujet tabou. Créé en 1941 par les Britanniques, le Spécial Air Service n’est pas une unité militaire comme les autres. Ses méthodes d’action de type commandos diffèrent profondément de celles, plus conventionnelles, engagées sur le front de Normandie. Largués loin derrière les lignes ennemies, en marge du théâtre principal de la bataille, les parachutistes français du 4e bataillon SAS avaient pour objectif de procéder à des opérations de sabotages sur les voies de communication, retardant ainsi l’envoi de renforts ennemis vers le front, mais aussi d’armer et d’encadrer les maquisards pour leurs opérations de guérilla. En cas de capture, dans les jours qui suivent leur parachutage du 6 juin en Bretagne, on constate que ces soldats revêtus de leur uniforme sont généralement traités comme des prisonniers de guerre, puis envoyés dans un stalag. Après la chute du camp de Saint-Marcel, les Allemands se livrent à une traque sans merci aux parachutistes désormais considérés, au même titre que les maquisards, comme des « terroristes » (1). A partir du 7 juillet, et l’ordre d’Hitler de « supprimer les terroristes », la répression allemande va atteindre son paroxysme avec des massacres d’une cruauté inouïe. Les officiers SAS capturés sont remis par la Wehrmacht aux policiers du SD et leurs agents, dont la bande à Maurice Zeller, qui vont tenter de leur arracher des informations sous la torture dans les geôles de Pontivy, pour ensuite les exécuter. Ces violences extrêmes – probablement uniques dans l’histoire des FFL – subies par les parachutistes, n’excusent en rien leur participation aux exécutions sommaires commises en réaction contre des « collabos » ou des « traîtres » dans ce que l’on a appelé la « justice du maquis », mais elles ne sont certainement pas pour rien dans ces « dérapages de guerre » du SAS.
Cela commence le 8 juin 1944, deux jours après l’installation de la base Samwest dans la forêt de Duault, lorsqu’un certain Ernest Jean, architecte de la région parisienne réfugié dans la région, est arrêté par des maquisards qui ont trouvé sur lui des plans de la forêt alors qu’il s’approche de la base. Se présentant comme un émissaire de Branchoux, chef de l’AS de Guingamp, Jean est suspecté d’être un espion et de se livrer au marché noir. Le capitaine SAS Leblond le fait interroger par les lieutenants François Martin et Georges Willard. Malgré le fait qu’il soit défendu par les partisans de Branchoux, Leblond se range derrière l’avis des FTP qui considèrent le suspect comme coupable. Le 11 juin au soir, veille de l’attaque de la base par les Allemands, Ernest Jean doit creuser sa propre tombe avant d’être poignardé par les parachutistes (2). On dénombre 5 parachutistes et 2 FTP tués lors des combats de Duault. D'après l'interrogatoire du capitaine Wilhelm Albrecht, qui commandait le bataillon, les Allemands ont perdu 14 hommes (3).
 Le 18 juin, après la chute du "maquis" de Saint-Marcel - qui n'a jamais été un maquis au sens exact du terme mais un camp de regroupement et d'armement des FFI - et la dispersion des parachutistes, le colonel Bourgoin, qui avait troqué son uniforme pour des vêtements civils – ce qui mettra hors de lui le général Mac-Leod à Londres – s’est réfugié au village de la Foliette, en Sérent, avec l’état-major FFI, où il restera jusqu’au 28 juin. Une jeune femme, Désirée Le Mené, dont le mari est prisonnier de guerre, avait quitté Vannes pour venir se réfugier dans ce village avec son fils, âgé de douze ans. Un groupe de FFI occupant les bâtiments d’un vieux moulin appartenant à son frère, elle s’y rend pour exiger leur départ. Afin d’éviter des complications, le colonel Morice lui propose 5 000 F pour la location. Surnommée « la poule à boches », sa présence est perçue comme une menace pour les résistants. D’après le journal de la Résistance Le Maquis Breton : « Quelques jours après, un lieutenant parachutiste et quelques-uns de ses hommes aperçurent un convoi allemand conduit par des voitures de la Gestapo, se diriger vers le village de Plumelec. Une des voitures s’arrêta pour y faire monter la femme suspecte. Cette expédition punitive se termina par l’arrestation de 17 patriotes dont les corps mutilés furent retrouvés, un  an après, dans le sinistre charnier de Penthièvre (…) Le lieutenant parachutiste estima qu’il y a avait urgence à mettre cette femme hors d’état de nuire, et il donna l’ordre à trois de ses hommes de l’arrêter dès qu’elle regagnerait son domicile. L’arrestation fut opérée, mais il fut impossible de séparer la mère du fils qui tous deux furent conduits dans une ferme des environs de Sérent. » Le 10 juillet, elle est enlevée avec son fils par trois jeunes FFI, pour être dirigée sur Sérent. Le groupe s’arrête d’abord dans une ferme de Brancelun pour se faire servir à boire, puis se rend à Tréviet, où Désirée est violée par les trois hommes. Puis, toujours avec son fils, elle est emmenée dans une ferme occupée par un groupe de FFI, au lieu-dit Bohurel, en Sérent, pour y être interrogée. D’après Le Maquis Breton : « La femme avoua avoir donné les noms de sept résistants arrêtés lors de la rafle de Plumelec. Elle avoua également des relations intimes avec les Allemands. Les instructions furent d’exécuter la femme sans toucher à l’enfant. La ferme menaçant d’être encerclée par les Allemands, ordre fut donné d’exécuter la femme et l’enfant, qui seront enterrés à proximité. » Un des trois ravisseurs étrangle donc la malheureuse puis son fils, dont il fracasse la tête contre un arbre. Il faudra attendre le retour de captivité de l’époux de Désirée pour découvrir cette tragédie et des accusations qui ne reposaient sur aucun fondement. Ce drame aura un certain retentissement dans la presse régionale. Les associations d’anciens résistants se mobilisent pour soutenir les trois meurtriers. Dans Le Maquis Breton, Paul Chenailler, alias « colonel Morice », s’étonne que l’on n’ait pas auditionné les SAS dans cette sordide affaire, alors qu’ils avaient quitté les lieux à cette date : « A-t-on entendu les officiers et soldats rescapés du 2e Régiment de Chasseurs parachutistes qui ont été les témoins de l’activité de cette agente de l’ennemi ? Evidemment pas, ni le colonel Bourgoin, qui faillit être sa victime, ni le Capitaine Leblond qui l’entendit, ni les autres. Sans qu’on les entende, ils ont estimé devoir m’adresser le télégramme suivant : « Pouvez croire à notre sympathie et compter sur notre appui total pour affaire FFI Morbihan – Le Comité de l’Amicale des anciens parachutistes SAS. » A l’issue du procès, les trois accusés, dont l’un est le fils d’un haut responsable de la Résistance, seront acquittés.
Fernand Bonis, photo consultable sur le site FFLSAS
Le 1er juillet, un drame similaire va se dérouler au village de Kergoët, près de Langoëlan, où le fermier Joseph Le Padellec héberge une vingtaine de FFI qui sont encerclés par des soldats allemands et géorgiens. L’épouse de Padellec va néanmoins réussir à s’échapper et prévenir des FFI cantonnés au village du Cosquer, en Ploërdut, qui accourent sur les lieux. Parmi ceux-ci, se trouve le sergent parachutiste Fernand Bonis, chargé de leur instruction. Une  compagnie FTP de Désiré Le Trohère, Alexandre, se joint en renfort. Touché lors du combat, Bonis est capturé. Avant de partir, les Allemands incendient la ferme à l’intérieur de laquelle on retrouvera les corps calcinés des patriotes Le Gouar, Le Padellec, Pimpec et celui du parachutiste Bonis, qui n’était que blessé. C’est le 20e SAS tué depuis le 6 juin. A la suite de cette attaque, les patriotes soupçonnent la famille Baucher, du village Petit-Rose en Silfiac, d’avoir dénoncé le maquis. Le 13 juillet, le capitaine Alexandre fait arrêter le mari et la femme puis, après les avoir interrogés très longuement, les remet en liberté, convaincu de leur innocence. Deux jours plus tard, trois hommes du 5e FFI décident de les exécuter, ainsi que leurs deux fils. La suite est dramatique. Un des fils, Laurent, âgé de quinze ans, qui a reçu une balle dans la nuque et dans la main, réussit malgré tout à s’enfuir car le revolver qui devait lui donner le coup de grâce s’est enrayé et la lumière s’est éteinte. Les trois FFI tuent ses parents et son frère Amédée, dont ils violent la fiancée. A la Libération, lors de l’enquête effectuée sur cette affaire, le prisonnier de guerre allemand Werner Pein, 37 ans, est interrogé à la Maison d’arrêt de Rennes : « Je ne me souviens pas qu’une femme de la région de Silfiac serait venue dénoncer un maquis dans la région de Langoëlan. C’est la première fois que j’entends parler de cette affaire. Je puis d’ailleurs affirmer qu’aucune dénonciation ne m’a été faite sur le maquis de Kergoët car à chaque fois qu’une dénonciation m’était rapportée je transmettais un rapport, les renseignements au bureau du Corps d’armée. Or, dans cette affaire, je puis affirmer que je n’ai pas fait de rapport à mes chefs. Je précise que le 1er juillet 1944, la Feldgendarmerie de Pontivy n’a pas participé à une opération dans la région de Langoëlan. »
Le 19 juillet, des gendarmes du Vieux-Bourg se présentent au maquis de Coat-Mallouen pour demander qu’une patrouille fasse des recherches car deux « espions » ont été repérés dans le secteur. Les maquisards ne trouvent pas les deux espions en question mais reviennent au camp avec trois autres personnes : un homme et deux femmes, des nomades porteurs d’une grosse somme d’argent et soupçonnés de renseigner les Allemands. Condamnés à mort par le chef des FFI, un officier SAS et le chef de l’équipe Jedburgh Frederick, le major Wise, ils sont exécutés en même temps qu’un milicien de Guingamp, surnommé « Petit-Gris ». On retrouve cette affaire dans un témoignage très intéressant, rédigé après-guerre par le jeune radio américain Robert Kehoe, de l’équipe Jedburgh Frederick, sur sa participation aux combats de Duault puis de Coat-Mallouen : « Le maquis et les SAS ont emprisonné trois personnes qu'ils accusaient d'avoir informé les Allemands de notre situation. La punition était rapide et sévère. L'un des trois a été exposé au public et battu avant d'être abattu. Je ne pouvais pas juger les accusations, mais je regrettais de ne pas avoir protesté contre le traitement abusif. Nous avons cependant été submergés par l’immédiateté du danger et la nécessité de notre propre action. Je soupçonne que nous ne voulions pas paraître "doux" envers ceux qui sont accusés de crimes aussi graves. Le major Wise a déclaré par la suite qu'il existait des rumeurs selon lesquelles le traitement sévère infligé à des hommes des forces spéciales capturées par la suite par l'ennemi aurait été lié à cet incident. » Ce qui semble surtout choquer le major britannique Adrian Wise, c’est le fait que ces exécutions furent effectuées à la vue de tous. Quelques jours plus tard, le 21 juillet c’est au tour de quatre pilleurs de ferme, d’être fusillé par des SAS à Bréhan-Loudéac.
Ces exécutions sommaires sans jugement préalable ne se limitent pas aux seuls traîtres ou « collabos ». Elles peuvent aussi se produire au sein même du bataillon SAS. Ainsi, le 5 août 1944, à Josselin, le sergent SAS Jacques Détroy, 20 ans, est : « tué au cours d’un engagement avec l’ennemi », selon la version officielle. Les circonstances exactes de sa mort n’ont jamais été réellement élucidées. Selon Fanny Pascual, qui a fait une intéressante communication sur ce thème des « dérapages » : « Plusieurs versions s'affrontent dans le cercle des SAS, dont les témoins ont demandé l'anonymat ». D’après le témoignage d’un vétéran du SAS, recueilli après-guerre, le sergent Détroy, qui contestait les ordres de son supérieur hiérarchique, le sous-lieutenant Taylor, aurait été exécuté par celui-ci pour refus d’obéissance. A cela s'ajoute, selon d’autres témoins, une querelle sentimentale, dont l’origine remonte à Londres, qui aurait attisé la jalousie entre les deux hommes. Quoi qu’il en soit, le sous-lieutenant Taylor ayant été tué le 8 avril 1945 au cours de l’opération Amherst, sans avoir rédigé de rapport sur cet acte supposé de mutinerie, mais on sait que les groupes de parachutistes agissaient en toute autonomie, cette exécution reste encore inexpliquée. Signe du malaise au sein des associations d'anciens parachutistes et de la chape de plomb qui entoure cette affaire, David Portier, dans son ouvrage de référence Les parachutistes SAS de la France libre, p. 398, élude soigneusement les raisons de la mort de Détroy « à son retour, Jacques Quillet apprend la mort du Sgt Détroit qui a été tué le 5 août », alors que des années auparavant, dans son ouvrage Le Morbihan en guerre, p 557, Roger Leroux évoquait cette affaire « Le 5 à Josselin, un sous-lieutenant parachutiste ordonne qu'on abatte immédiatement un de ses hommes qui l'a menacé de son revolver. Sans que l'intéressé soit traduit devant un conseil de guerre, un de ses camarades est contraint d'exécuter un ordre aussi contestable. »
Le commandant Bourgoin et le capitaine Deplante
Ce même jour, le 5 août 1944, le capitaine Deplante, qui était entré la veille au soir dans la ville, désertée par les Allemands et occupée par la Résistance et les Américains, prend le commandement de la place de Pontivy afin de maintenir l’ordre « en raison du trop grand nombre de patriotes armés tirant dans les rues ». Deplante met en place une « police militaire » d’une quarantaine d’hommes chargés « d’arrêter tout patriote armé trouvé dans les rues après le 6 août midi » et ordonne aux unités FFI et FTP de quitter la ville pour rejoindre leurs zones de combats. Deplante raconte comment, lors de son entrée en ville : « Une compagnie FTP avait aussitôt arrêté cinq hommes, un Pontivyen et quatre Algériens, marchands forains qui circulaient dans le département et qui étaient connus des organisations patriotiques, pour entretenir des intelligences avec les Allemands. Des renseignements fournis par eux aux troupes occupantes avaient amené l’arrestation de nombreux patriotes, dont plusieurs avaient été passés par les armes. Conduits à la prison de la rue Friedland, ces cinq traîtres ont été exécutés, sans jugement préalable semble-t-il. »
Léon Schermesser, photo consultable sur le site FFLSAS
Si, pour des raisons de sécurité du maquis, certaines exécutions peuvent se comprendre, on peut se demander ce qui justifie l'exécution de ces quatre civils désarmés et fusillés sans autre forme de procès, par un sous-officier français,  le 6 août 1944 à quelques kilomètres de Pontivy, où Deplante a rétabli l'ordre. En effet, vers 20 h, ce jour-là, sur le champ de foire de Baud : « Eut lieu l’exécution publique de quatre individus, les sieurs (il n'est pas nécessaire de citer leurs noms), à qui étaient imputés des vols qualifiés et des viols. Cette exécution fut opérée à l’aide d’un fusil mitrailleur par le parachutiste Schermesser Léon, et sur ordre donné par le sergent parachutiste Payen Michel, lequel commandait une section de parachutistes détachés auprès du 5e Bataillon FTP, le Bataillon Jacques. » Les gendarmes de la brigade de Baud, à qui ces suspects auraient dû être remis, puisque les Allemands avaient quitté la ville, étaient-ils au courant ? Ont-ils assisté à la scène ? Selon le rapport de police : « Il ressort de l’analyse des faits que le sergent parachutiste qui ordonné l’ordre de mise à mort et le parachutiste qui l’a exécuté ont agi dans le service, d’autant qu’à la date du 6 août 1944, qui coïncide avec celle de la retraite des troupes allemandes sur Lorient, la liaison n’était plus assurée entre le groupe des parachutistes de Baud et leur chef direct, le lieutenant Deplante, et il était du plus grand intérêt, Baud se trouvant alors en pleine zone d’opérations militaires, d’assurer la sécurité des FFI en mettant les suspects dans l’impossibilité de nuire. » Les faits qui ont motivé l’ouverture d’une information ayant été commis « dans le service », les enquêteurs concluront qu’en conséquence : « l’autorité judiciaire militaire est seule compétente pour les examiner. » Sur la citation militaire de Schermesser, il est noté : « A participé brillamment au nettoyage du Morbihan. » Roger Leroux cite d'autres cas similaires , ainsi cet Allemand venu se rendre à un paysan, près de Questembert : « des parachutistes l'abattent après lui avoir fait creuser sa tombe. » Il aurait sans doute été préférable qu'il se rende aux Américains. A Baden : « un collaborateur avéré, probablement à l'origine de l'arrestation du commandant Manceau, est tué au couteau par un parachutiste. » Le 7 août, à Inzinzac :  « un parachutiste abat un trafiquant qui s'est livré au marché noir pour le comte des Allemands. » Le 12, à Hennebont : « l'ancien interprète des Allemands est abattu par un parachutiste, tandis qu'à Lochrist l'ancien recruteur local de la LVF connaît le même sort. »
Au regard des exécutions sommaires commises par la Résistance lors de l’épuration, qui oscillent entre 200 pour les Côtes-du-Nord et 250 pour le Morbihan, départements où la Résistance fut la plus active, celles effectuées par des parachutistes restent assez rares. Dans ce contexte de soif de vengeance, il faut rappeler que sur les 77 parachutistes du 4e bataillon SAS qui ont perdu la vie en Bretagne, à peine la moitié ont été tué au combat les armes à la main ; les autres ont été capturés sans avoir tiré un seul coup de feu, alors qu'ils étaient blessés ou désarmés (Marienne à Kerihuel), le plus souvent torturés puis ensuite exécutés.


(1) Parachutistes contre parachutistes. 
Dépendant lui aussi du II. Fallschirmjäger-Korps, le Fallschirmjäger-Ersatz-und Ausbildungs-Regiment 2, est un régiment de formation et d’entraînement de parachutistes allemands (qui n'ont de parachutiste que le nom, la plupart n'ayant jamais effectué  de saut). Stationné dans le Morbihan durant le mois de juin 1944, il est sous les ordres du colonel Deffner, dont le QG est installé à Josselin. Ce régiment ne comporte que trois bataillons, dont les PC sont respectivement situés au sud de Josselin (commandant Hellmünd), à Ploërmel (colonel Bertels) et, pendant quatre jours, à Augan, commune située entre Ploërmel et Coëtquidan, puis à Saint-Nazaire (commandant Scherwitz). On dénombre quatre compagnies par bataillon, dont deux : les 7e et 8e, vont être engagées le 18 juin contre le camp de Saint-Marcel. Au sujet de ce régiment, plusieurs ouvrages évoquent : « des parachutistes de la division Kreta », oubliant que cette 7e division d’élite du général Student, décimée au mois de mai 1941 en Crête, n’existe plus. Cette confusion vient du fait que plusieurs vétérans de cette division, incorporés dans les unités du II. Fallschirmjäger-Korps, portaient une bande de bras avec l’inscription « Kreta ».
D'après le docteur Devau, Jours d'épreuve dans le Morbihan, 1944, p. 11 : « Le colonel allemand Deffner qui commandait la place allemande de Josselin était un homme sensible et clément. A plusieurs reprises il a libéré des prisonniers et s'est montré humain vis-à-vis de la population ».
(2) Il sera innocenté et réhabilité à la Libération. 
(3) "L'occupant aurait perdu 45 hommes", Christian Bougeard, Histoire de la résistance en Bretagne, p. 99.

Ajouté le 25 octobre 2019

A propos de cette affaire de Baud, il me revient en mémoire un ouvrage du colonel de Branges de Civria, paru en 1946 : La Libération dans le Morbihan. Ayant quitté Paris au début du mois de juillet 1944 pour rejoindre Sarzeau, cet a pris le commandement de toutes les unités stationnée dans le Morbihan à compter du 7 août 1944, deux jours après la libération de Vannes, avec pour mission de rétablir l’ordre dans le département. Le 10 août, il se rend à Baud. On peut constater que son récit ne correspond pas exactement au rapport d’enquête du Parquet du Procureur de la République de Pontivy du 26 mars 1948 relatif aux quatre exécutions du 6 août :
« Mercredi 9 août : A 20 heures je suis de nouveau à la préfecture où je dois dîner avec le lieutenant-colonel commandant les parachutistes et un speaker de la radio française de Londres. Le premier est un peu en arrière de la main au début parce qu’on lui avait promis le commandement militaire du Morbihan et qu’il s’en voit frustré. C’est un magnifique soldat qui a perdu un bras à la guerre. Dans le Morbihan, ces dernières (unités FFI et FTP) ont été puissamment aidées par les parachutistes qui dans les combats livrés à l’ennemi avant la Libération ont perdu la moitié de leur effectif. Comme je demandais à leur chef quelle était la proportion des tués et des blessés, il me répondit : « Chez nous il n’y a que des morts. » Au mépris des lois de la guerre, la Wehrmacht refusait la qualité de combattants aux parachutistes comme aux FFI et aux FTP et fusillait tous ceux qui tombaient entre ses mains. Que les représailles aient été si rares, il y a lieu de s’en étonner et les Américains qui s’indignaient des deux seuls cas où dans le Morbihan des prisonniers allemands aient été exécutés finirent par approuver ce qui avait été fait quand ils connurent les forfaits dont s’étaient rendus coupables ceux qui furent abattus.
Jeudi 10 août : De retour à mon PC, je suis avisé que de graves désordres se sont produits dans le gros bourg de Baud. Le drapeau tricolore a été amené et remplacé par le drapeau rouge, une vingtaine d’Allemands et six Français y ont été fusillés sans jugement, le curé et son vicaire menacés de mort ont dû prendre la fuite, la population s’enferme chez elle et n’ose plus sortir dans la rue. Je décide de commencer par là mes tournées dans le Morbihan et de m’y rendre le jour même. A 14 heures, je pars en automobile avec le colonel des FFI et le chef des FTP. En arrivant, je constate que les trois couleurs flottent toujours au clocher de l’église encadré par le drapeau de nos trois alliés. Beaucoup d’habitants sont dehors. Je leur demande de faire cercle autour de moi et je prononce les paroles suivantes : « Je vois avec plaisir que tout ce que l’on m’avait dit sur vous est faux : la terreur ne règne pas à Baud et le drapeau tricolore est toujours vote drapeau. Ne l’abandonnez jamais (…) Nous nous rendons ensuite à la mairie pour procéder à une enquête sur les faits qui nous ont été signalés. L’adjoint affirme que l’ordre n’a jamais été troublé, que chacun vaque à ses occupations sans être inquiété. Si le curé et son vicaire ont dû se cacher, c’est parce qu’ils appartiennent au parti autonomiste breton. Aucun Français n’a été fusillé, le seul qui ait été tué était un dénonciateur patenté de la Gestapo. Lorsqu’on voulut l’arrêter, il se défendit à coups de grenades et il périt au cours de l’échauffourée qui suivit. L’exécution d’une vingtaine d’Allemands se réduit à la mort de cinq d’entre eux qui n’étaient pas des soldats pris en combattant mais les tortionnaires de la prison de Locminé fusillés par leurs victimes (…) Je dus convenir que la fusillade avait été une mort bien douce pour de pareils misérables qui auraient mérité d’être torturés à leur tour auparavant. »
Vendredi 11 août : Je vais voir le préfet au cours de la matinée. Il se plaint de l’indiscipline des parachutistes qui font scandale ; ils réquisitionnent des voitures pour leur usage personnel et les utilisent pour promener des femmes de mauvaise vie alors que l’on manque d’essence pour les battages. Ils chantent à tue-tête et font du bruit jusqu’à une heure avancée de la nuit. Je sais d’ailleurs à quoi m’en tenir car j’ai trouvé sur mon bureau le compte rendu d’un chef de patrouille FFI qui ayant voulu arrêter deux d’entre eux à une heure du matin a dû y renoncer parce qu’ils le menaçaient de leur pistolet. Dans l’état d’ébriété où ils se trouvaient ils n’auraient pas hésité à tirer. Un de mes officiers m’a aussi rapporté qu’il est intervenu auprès de trois parachutistes qui, avachis contre un mur, se chamaillaient et braillaient. Il s’est entendu répondre : « Ben quoi, on ne peut plus s’amuser maintenant. » Comme il leur disait que si leur colonel le savait il ne serait pas fier d’eux, ils répliquèrent : « Notre colonel on s’en fout et on l’emm… quiquine. » Certains d’entre eux se répandent en propos désobligeants sur les Américains dans les cafés, déclarant à haute voix : « On a flanqué les Boches dehors, qu’est-ce qu’on attend pour en faire autant de ceux-là. » Ce sont des braves à tout crins qui ont payé de leurs personnes plus que quiconque, pour cette raison on peut leur passer bien des choses mais, véritablement, ils exagèrent. Je convoque leur chef à mon bureau et je le mets au courant de ces divers incidents. Il se contente de hausser les épaules et de déclarer : « Ils seront tous tués un jour ou l’autre, alors on peut bien leur pardonner quelques incartades. »





1 commentaire: