vendredi 31 juillet 2020

Mme Morvan (marché de Rostrenen), 1998.


Je retrouve dans mes archives une lettre, datée du 3 avril 1998, envoyée par Mme A. Morvan : « J’ai pensé vous adresser une petite anecdote, absolument véridique, susceptible de vous intéresser. » C’est un témoignage particulièrement émouvant, poignant même, car il évoque l’acte de résistance d’un Rostrenois, modeste vendeur de journaux. Cas exemplaire de résistance spontanée, de la part d’un de ceux de la cohorte des anonymes qui ont sauvé l’honneur de la France, et qui n’ont pas toujours retenu l’attention des historiens.  

L’occupation allemande « s’éternisait et pesait lourdement sur
Marché de Rostrenen
le pays », écrit Mme Morvan. Un mardi après-midi de l’été 1943, elle ne se souvient plus si c’était en juillet ou en août, mais je pense qu'il s'agissait du 3 août : « le marché habituel battait quand même son plein : se côtoyant sur la place du Centre, on pouvait voir quelques Allemands dans leurs uniformes un peu passés (« leur vert devient pisseux » avait constaté, non sans malice, l’une de mes amies), des cultivateurs de la campagne environnante : femmes en coiffe et costume breton, hommes abrités par leur grand chapeau « fisel » ; des vacanciers aussi en toilettes claires et modernes, et les habitants habituels de notre petite ville. »


Alors que les troupes du Reich subissaient de cuisantes défaites en Russie, « Voici que le jeune distributeur de journaux s’avança, portant son paquet de quotidiens sous le bras. Il se mit à crier d’une voix allègre et engageante : « Demandez et lisez L’Ouest-Éclair : grande avance des troupes allemandes… vers Berlin ! », raconte Mme Morvan, qui poursuit : « Certaines personnes mettaient un certain temps à réaliser mais bientôt elles riaient et achetaient le journal, visiblement stupéfaites (mais, sans doute aussi, inquiètes) de l’audace du garçon ! Je certifie avoir été témoin de cette scène (J’avais 18 ans et j’étais en compagnie de ma mère, aujourd’hui décédée). Mme Morvan apprendra par la suite que ce jeune homme avait fini par être arrêté, se demandant souvent quel fut son sort : « Peut-être l’apprendrez-vous en approfondissant vos recherches.
Ardina, statue d'un vendeur de journaux place de la liberté à Porto
Si oui, je vous serais reconnaissante de me l’indiquer. D’avance je vous en remercie, vous souhaite bon courage et bonne chance pour votre maîtrise et vous assure de mes sentiments distingués. »

Malheureusement, la question que se posait cette dame, cinquante ans après, n’a pu être résolue car de tels actes, un parmi tant d’autres, étaient le plus souvent voués à l’anonymat et leurs auteurs à de graves sanctions, pouvant aller jusqu'à la déportation.

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