J’inaugure
cette nouvelle série « Pépites d’archives » par une lettre
absolument stupéfiante, découverte tout à fait par hasard
aux ADIV. Elle est révélatrice de l'état d'esprit de certains nationalistes bretons et préfigure ce qu'il adviendra trois mois plus tard avec la création du Bezen Perrot. Le manuscrit n’étant pas très lisible, j’ai en fait une
retranscription. Il m’a semblé intéressant d’en faire part aux visiteurs de ce modeste
blog (45 000 vues à ce jour).
Lettre
adressée par X… Les
policiers ne connaissent pas l’expéditeur.
« Visseiche,
le 20 septembre. L’année
n’est pas indiquée, mais nous sommes en 1943.
Mon
cher Tatave,
Aussitôt
reçue ta lettre, aussitôt répondu… J’ai raté mon tram ce matin pour retourner à
Rennes et aller travailler à Saint-Jacques. Entre parenthèses, j’ai failli
recevoir un éclat de D.C.A., jeudi dernier, quand ces fumiers d’Anglais et
d’Américocos sont passés au dessus du camp pour aller bombarder Nantes… Tu as
sans doute su : 700 morts.
« Vive
les Anglais ! Mais les ouvriers sont donc enculés pour souhaiter la
victoire de leurs pires ennemis, de ceux qui les tuent ?... Jeudi 16 septembre
1943, 1er bombardement sur Nantes.
Mon
vieux Tatave, je suis anti-démocrate ; le peuple ne comprend pas tout
seul, il faut lui faire comprendre ; il faut le débarrasser des parasites bourgeois
qui le trompent ; ce qui s’est fait en Allemagne avec le
national-socialisme, je souhaite que ça se fasse beaucoup plus violemment en
Bretagne… Hitler est bien trop bon, quoi qu’on en dise ; heureusement que
les Allemands sont patriotes, même les bourgeois, sans quoi… Tu as vu ce qui
est arrivé à Mussolini ? C’est les bourgeois, le « papiston » et
les généraux qui l’ont trahi… et pourquoi ? Parce qu’il était un
ouvrier, et qu’un ouvrier ne doit pas s’élever… Hitler avait été plus
malin… ses petits copains qui voulaient le trahir, il les a fait exécuter le 20
juin 1934, et il a drôlement bien fait.
En
Bretagne, le Parti National Breton bourgeois et « curé » me
dégoûte ; on n’est peut être pas très loin de former un parti à nous… ouvrier,
socialiste et national.
Les
communistes nous ont tué un type à Quimper ; c’était un bourgeois, brave
type au demeurant ; ça fait du bien aux autres, car ils commencent
à avoir peur et ils vont peut-être nous laisser agir. Le 4 septembre, Yann Bricler est abattu par un
résistant à Quimper.
Tu
sais très bien pourquoi je n’aime pas le communisme ; c’est qu’au fond
c’est Juif, fondé par un Juif, Karl Marx ; réalisé par un
descendant de Juifs, Lénine ; mené par un juif, Trotski. De
toutes les manières, c’est la misère d’un bout à l’autre d’un pays… les
photos allemandes de la Russie ne trompent pas.
Alors,
ni communisme, ni capitalisme. Pas de Juifs et tout
sera parfait ! C’est le National-Socialisme, ou socialisme national, ici
breton, là allemand, ailleurs italien, slovaque ou croate ; chacun
réagissant avec son tempérament et construisant le socialisme comme il lui
plait.
Mais
bien entendu que c’est la faute à cet alcoolique de Daladier si vous êtes en
Allemagne et dans de telles conditions.
Mais
le peuple il oublie, c’est formidable.
Je
suis content que tu te sois bien démerdé ! Veinard !
Moi
je suis tout seul à Rennes dans ma cambuse une fois ma journée terminée.
Ah !
si, j’ai un copain, un prisonnier libéré comme sanitaire, ça ne vaut pas une
tendresse !!!
La
suite de cette lettre n’est pas en notre possession. »Note de la police
Propagande allemande |
Les
lecteurs de mon premier ouvrage « Les nationaliste bretons sous
l’occupation » (2001) auront reconnu sans difficulté l’inénarrable
Théophile Jeusset, fondateur, en 1931, du journal Breiz da Zont « Organe des nationalistes bretons
catholiques », où il exprimait déjà sa haine des juifs : « Jamais
les juifs ne portèrent un si grand coup à notre race qu’à l’époque moderne où
ils sont tout puissants, et cela nous fait tristement mesurer notre qualité de
vaincus, deux fois esclaves, en effet nous nous appuyons sur le témoignage
d’écrivains français eux-mêmes. C’est en fonction de leur résistance
particulière à la conquête du territoire « français » par les idées
dissolvantes qui émanent plus ou moins des juifs : maçonnisme, laïcité
etc. que les bretons ont été décimés au cours de la dernière guerre mondiale. »
Sous
l’occupation, Jeusset lance
le « Groupe Ouvrier Social National Breton », dont les réunions se
tiennent dans les bistrots de la rue Saint-Malo. Les membres sont à peu près du
même tonneau que le fondateur. Le président Georges Houée est bouilleur de cru
de son état, Jehannin de Talensac fournit en barriques de cidre la Milice, route de Saint-Brieuc… Tout
cela serait assez folklorique, si ces individus ne traînaient pas dans les
couloirs du SD, rue Jules Ferry.
Le 8 juin 1942, Jeusset écrit au Feldkommandant : « Le juif se démasque ! Ne frappez pas la population rennaise en bloc, ce qui serait injuste, mais imposez une contribution personnelle extraordinaire à certains bourgeois « de Gaulliste » dont la police allemande a certainement les noms. Vous pourriez aussi considérer comme otages certains fonctionnaires de la Haute Police. Je m’excuse M. le Feldkommandant de cette trop longue lettre, mais j’ai tenu à vous donner l’avis d’un rennais qui aime sa ville et qui souffrirait de voir troublés les bons rapports qu’il y a eu jusqu’ici entre la population civile et l’armée allemande. Théophile Jeusset. Ouvrier peintre. Père de cinq enfants. Emprisonné en 1932 sous l’accusation « d’avoir rencontré Hitler » pendant 52 jours. Ré-emprisonné en juin 1944 par ordre du juif Mendel. » Au sujet de la Feldkommandantur 748 de Rennes, j’ai trouvé cette note du 20 novembre 1944, d’un certain capitaine Moinet, du BSM (Bureau de Sécurité Militaire) : « Une cloison étanche existant au point de vue commandement entre SD et Wehrmacht, les relations étaient uniquement de service et quelque peu tendues. Le Feldkommandant, le lieutenant-colonel Freiherr von Gebsattel, était le cousin du colonel von Stauffenberg qui exécuta un attentat contre Hitler et désapprouvait souvent les actes du SD. Il soutenait le capitaine Kreutzberg, chef de la section I. c. qui lui aussi désapprouvait le SD. »
Le 8 juin 1942, Jeusset écrit au Feldkommandant : « Le juif se démasque ! Ne frappez pas la population rennaise en bloc, ce qui serait injuste, mais imposez une contribution personnelle extraordinaire à certains bourgeois « de Gaulliste » dont la police allemande a certainement les noms. Vous pourriez aussi considérer comme otages certains fonctionnaires de la Haute Police. Je m’excuse M. le Feldkommandant de cette trop longue lettre, mais j’ai tenu à vous donner l’avis d’un rennais qui aime sa ville et qui souffrirait de voir troublés les bons rapports qu’il y a eu jusqu’ici entre la population civile et l’armée allemande. Théophile Jeusset. Ouvrier peintre. Père de cinq enfants. Emprisonné en 1932 sous l’accusation « d’avoir rencontré Hitler » pendant 52 jours. Ré-emprisonné en juin 1944 par ordre du juif Mendel. » Au sujet de la Feldkommandantur 748 de Rennes, j’ai trouvé cette note du 20 novembre 1944, d’un certain capitaine Moinet, du BSM (Bureau de Sécurité Militaire) : « Une cloison étanche existant au point de vue commandement entre SD et Wehrmacht, les relations étaient uniquement de service et quelque peu tendues. Le Feldkommandant, le lieutenant-colonel Freiherr von Gebsattel, était le cousin du colonel von Stauffenberg qui exécuta un attentat contre Hitler et désapprouvait souvent les actes du SD. Il soutenait le capitaine Kreutzberg, chef de la section I. c. qui lui aussi désapprouvait le SD. »
« Tatave », à qui était destiné cette lettre, est alors en
Allemagne depuis le mois de mars 1943 au titre du STO. Il sera rapatrié
sanitaire au mois de janvier 1944. Il va entrer dans le groupe rennais du Front
National au mois de février. Huit jours plus tard, le groupe est décimé avec
les arrestations d’Alfred Leroux le 17 février, puis de Georges Heno le 18. Il
y en aura d’autres. Accusé d’avoir dénoncé ses camarades, en fuite,
« Tatave » sera condamné à mort par contumace en 1945. Jugé une
nouvelle fois en 1946, il est acquitté, mais reconnaîtra avoir volé
200 000 F avec trois membres du Bezen Perrot, au domicile de l'épouse du résistant
Louis Nuss, arrêtée à Rennes par le SD, le 17 avril 1944, puis déportée; comprenne qui pourra…
« Tatave », et deux Perrot, seront déportés en Allemagne pour ce vol,
le troisième aurait été exécuté. Il en sera bientôt question sur ce blog.
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