S’il y eut des
résistants pratiquant une discipline sportive, il faut bien reconnaitre qu’il y
eut peu de sportifs résistants (1). Ce qui expliquerait peut-être que les
mouvements de résistance soient quasiment muets sur le sujet. On comprend donc
que le Mévennais Louison Bobet – gaulliste de surcroit – fut une véritable
aubaine ! Il n’est que de consulter les sites internet ou les nombreuses
biographies pour constater que les superlatifs ne manquent pas : « La
légende du Tour » ; « Une légende française » ;
« La légende du cyclisme ». Aucun des auteurs ou journalistes qui se
sont penchés sur la carrière de cette icône du cyclisme ne manquent de rappeler
qu’il fut aussi un résistant. Ce dont personne ne doute. Mais, compte-tenu de
la notoriété de ce symbole de la réussite financière d’après-guerre, il est étonnant de voir ces journalistes-biographes insister sur ce passé de résistant en utilisant tous une seule et unique source : celle d'un journaliste communiste. Il est vrai que le cyclisme, sport éminemment populaire, a toujours été l'objet d'une attention particulière de la part de la presse sportive communiste, avec notamment le magazine Miroir-Sprint.
« Monsieur
Bobet »
Émile Besson, ancien résistant, journaliste à l’Humanité, qui participa au premier Tour de France de Louison Bobet
en 1953 « Se souvient d’un homme qui l’intimidait – non par sa classe
ou son palmarès, mais par son passé. Mimile, grand résistant, sait mieux que
quiconque que son frère d’arme, né comme lui en 1925, avait transporté des
messages pendant la guerre avant d’intégrer l'armée après le débarquement allié
de 1944 ». Qualifier de « Frère d'arme » Louison Bobet est peut-être un peu exagéré, lorsque l'on sait que Besson s'est engagé dans la Résistance dès 1942, dans le département de l'Ain, alors que Bobet prend le volant d'une ambulance le 3 août 1944 dans les Cotes-du-Nord...
Christophe Penot, dans un savoureux livre d’entretiens
avec Besson paru en 2002 « J’écris ton nom Tour de France », nous
rapporte les confidences du journaliste communiste :
- Christophe Penot : « Comment vous
entendiez-vous avec ce champion qui passait pour être un homme de droite ? »
- Émile Besson : « Un gaulliste, Bobet – je
veux dire ‘’Monsieur Bobet’’. Ce n’était pas un homme de droite, c’était un
gaulliste. Il l’avait prouvé pendant la guerre en faisant de la Résistance
active. Vous connaissez d’autres coureurs qui ont fait de la Résistance ?
Sous l’Occupation, les coureurs ont presque tous fait du marché noir ! Ils
sprintaient comme des chiffonniers pour des œufs, du jambon et du saucisson, qu’ils
se dépêchaient de revendre. »
- Christophe Penot : « Une petite résistance »
- Émile Besson : « Il n’y a pas de petite Résistance ! Sous l’occupation les coureurs
ont presque tous fait du marché noir ! Louison lui, a fait un joli
coup : il a pris le volant d’une ambulance pour conduire un prisonnier
allemand, un officier… »
Décidément
incisif, Christophe Penot en profite pour rappeler que Félix Lévitan, le
journaliste sportif réputé et futur organisateur du Tour de France, qui avait été
obligé de se cacher pendant la guerre, n’adressait plus la parole à Louison
Bobet depuis que ce dernier l’avait qualifié de « Sale petit juif endimanché ». On imagine les suites
judiciaires d’une telle sortie aujourd’hui.
En 2005, dans
son ouvrage « Les grands cyclistes bretons », Georges Cadiou, lui
aussi un temps très proche de la presse sportive communiste, ne s’écarte pas de
la doxa « Louison Bobet fut aussi un
acteur engagé, gaulliste de cœur et de conviction, il n’hésita pas à entrer
dans la Résistance ». On n’en saura pas plus sur les conditions et la date de cette
entrée. Entre un engagement dans la résistance dès 1941 et celui d'un été
1944, la prise de risque n’était pas la même ! Il fallait d'ailleurs avoir fait partie d'un mouvement homologué de résistance pendant au moins six mois avant le débarquement pour pouvoir obtenir la carte de CVR (Combattant Volontaire de la Résistance)
C’est en 2009
que Jean-Paul Ollivier, dans sa biographie « Louison Bobet »,
reprenant sans doute le témoignage d’Émile Besson, nous raconte ce que fut l’engagement
de Bobet dans la Résistance. Nous sommes le 3 août 1944, date de l’arrivée des
Américains dans la commune « Á
Saint-Méen-le-Grand un noyau de résistance s’est formé sous l’impulsion de
l’instituteur Antoine Launay. Les réunions se déroulent chez son frère. Louis
Bobet est toujours présent. Il y vient, accompagné de Louison, maintenant âgé
de 19 ans. Début juin 1944 (sic) les
troupes américaines, qui descendent d’Avranches, traversent la commune, se
dirigeant vers Vannes, coupant ainsi la Bretagne. Louison s’est joint aux
membres du réseau FFI. Le groupe parvient à capturer une ambulance allemande
transportant un colonel qui est aussitôt fait prisonnier. Au cours de
l’embuscade 3 soldats allemands sont blessés, dont un officier qu’il faut
transporter de toute urgence à Dinan. Louison sachant conduire ce véhicule
propose ses services (…) Á Saint-Méen-le-Grand et dans les environs, la
Résistance a regroupé plusieurs jeunes du pays. Rapidement ils ont revêtu la tenue
kaki, durant huit jours, ils vont accompagner les troupes américaines. Ils
seront ensuite enrôlés au 41ème régiment d’infanterie de Rennes puis
dirigés sur la poche de Lorient. Louison est pourvoyeur-voltigeur. » Le
41ème Régiment d’Infanterie de Rennes a effectivement été
reconstitué au mois de novembre 1944 à partir de bataillons FFI bretons puis basé au camp de Coëtquidan avant d’être
dirigé sur la poche de Lorient. Dès lors, il ne s'agit plus de résistants mais de militaires d'une armée régulière. La vie régimentaire du cycliste ne semblent pas avoir été trop pénible : "Louison Bobet avait déjà ses privilèges pour s'entrainer au vélo. Monsieur avait droit avant les autres à une chambre individuelle dans un bâtiment en dur et une corvée de bois avait même été prévue pour le chauffer." (2)
La Résistance est souvent une affaire de famille. C'est donc par son père que Louison Bobet sera introduit dans la lutte contre l'occupant. C’est ce que l’on peut lire sur un site internet consacré au sport (20/01/2012) « Chez les Bobet, on travaille dur. Les parents tiennent une boulangerie et Louison est prié de mettre la main à la pâte avant de partir en livraison sur un vélo avec porte-bagages. En pleine guerre, il aide son père dans la résistance. » Cette image de Bobet « livrant des messages de la Résistance avec son vélo » revient en effet de manière constante, ainsi dans le « Dictionnaire amoureux de la Résistance » d’un Gilles Perrault, très lyrique « Le meilleur coup de pédale de la Résistance appartenait au fils du boulanger de Saint-Méen-Le-Grand, en Ille-et-Vilaine. Agent de liaison évidemment, Louison Bobet, dix-huit ans à l’époque. » On imagine sans peine le jeune cycliste, nez dans le guidon, livrant des messages probablement cachés dans sa pompe à vélo aux maquis du coin.
La Résistance est souvent une affaire de famille. C'est donc par son père que Louison Bobet sera introduit dans la lutte contre l'occupant. C’est ce que l’on peut lire sur un site internet consacré au sport (20/01/2012) « Chez les Bobet, on travaille dur. Les parents tiennent une boulangerie et Louison est prié de mettre la main à la pâte avant de partir en livraison sur un vélo avec porte-bagages. En pleine guerre, il aide son père dans la résistance. » Cette image de Bobet « livrant des messages de la Résistance avec son vélo » revient en effet de manière constante, ainsi dans le « Dictionnaire amoureux de la Résistance » d’un Gilles Perrault, très lyrique « Le meilleur coup de pédale de la Résistance appartenait au fils du boulanger de Saint-Méen-Le-Grand, en Ille-et-Vilaine. Agent de liaison évidemment, Louison Bobet, dix-huit ans à l’époque. » On imagine sans peine le jeune cycliste, nez dans le guidon, livrant des messages probablement cachés dans sa pompe à vélo aux maquis du coin.
Louis Bobet membre du Comité de la
Libération
Saint-Méen-le-Grand
libérée, on voit le père de Louison Bobet au sein du Comité Local de la
Libération, en charge de l’épuration de la commune « Pendant la guerre M. Launay, instituteur à Saint-Méen, m’a demandé de
faire partie de son groupe de résistance et j’adhérais vers le mois de mars 1944.
A l’arrivée des américains le 3 aout 1944, aucun comité de libération n’a été
constitué dans le but de remplacer la municipalité nommée par Vichy. Launay
étant notre chef nous a suggéré l’idée de constituer un comité provisoire de
libération dans le sein de la Résistance et de l’établir par la suite.
Tentatives qui ont été faites deux ou trois fois sans succès. En raison du
jeune âge d’une partie des adhérents aux Forces Unies des Jeunesses Patriotiques,
Launay pris sur lui de désigner les chefs de groupe comme membres du Comité provisoire
de libération et depuis le dit comité a été approuvé par le Comité Départemental
de Rennes à la suite d’une intervention sur l’origine et la composition d’un
nouveau Conseil municipal. »
Cette nomination
de Louis Bobet n’est pas du goût de tous les Mévennais. Passée l’euphorie de la
Libération, après quatre années d’Occupation et de restrictions de toutes
sortes, les langues se délient, les jalousies et rancœurs de toutes sortes
ressurgissent au grand jour. Quoi qu’il en soit de la réalité de ces
accusations, elles sont prises au sérieux puisqu’une enquête est effectuée par
la brigade de gendarmerie de Saint-Méen le 17 novembre 1944. « Procès-verbal sur les agissements de
Bobet Louis, boulanger, membre du Comité de Libération de Saint-Méen. Nous soussignés Mesléard Jean et Le Perff
René, gendarmes de Saint-Méen, avons appris par plusieurs personnes dignes de
foi que le nommé Bobet Louis, boulanger rue de Montfort à Saint-Méen,
actuellement membre du Comité de Libération de Saint-Méen s’était, au cours de
l’occupation allemande, fait remarquer par un commerce illicite de pain avec
les Allemands et s’était flatté d’avoir trafiqué sur une grande échelle de
feuilles de tickets de pain et d’avoir vendu le pain à un prix au moins double
de celui fixé par la taxe. Nous avons également appris que Bobet avait refusé
de vendre du pain, contre remise de tickets à des Français et que devant
ceux-ci, il avait servi des soldats boches sans leur réclamer les dits tickets.
Procédant à une enquête, nous avons recueilli les renseignements suivants. »
Monsieur Collet
Ange, 43 ans, boucher, demeurant rue de Montfort à Saint-Méen, déclare : « Je connais très bien, depuis une
vingtaine d’années, le nommé Bobet Louis, boulanger à Saint-Méen. Cet homme
fait actuellement partie du Comité de Libération, bien que je ne lui connaisse
aucune qualité lui permettant de juger son prochain comme il le fait depuis le
départ des Allemands. J’ai moi-même été dénoncé par le Comité de Libération
pour avoir fait du commerce avec les boches, chose qui est inexacte. Par
contre, j’ai livré à mes compatriotes plus de viande que la loi ne m’autorisait
à leur livrer et ceci dans l’intérêt général. M. Bobet m’a demandé à trois
reprises différentes que je lui prête mon cheval et ma voiture pour aller
chercher de la farine dans un moulin de Saint-Malon. Cette farine était
transportée en fraude et Bobet me demanda de la cacher chez moi pour lui éviter
des complications et poursuites avec le service du contrôle économique ou de la
répression des fraudes. Pensant que cette farine était destinée à faire du pain
pour les Français, j’acceptai de la loger chez moi et Bobet venait la prendre
la nuit, par sacs, quand il en avait besoin. Quelque temps après, j’ai appris
que Bobet avait employé cette farine à faire des petits pains blancs pour les
boches. Une fois, ma fille étant allée chez Bobet pour y prendre du pain, se
vit refuser les tickets correspondant et le pain lui fut vendu 24 francs les 3
kilos, pain de qualité courante, c’est-à-dire avec de la farine blutée à 98%.
Il m’est arrivé de prendre parfois chez Bobet un pain blanc qu’il vendait sans
remise de tickets, 20 francs le 1 kg 500 (…) Avant l’arrivée des Américains
Bobet a dit un jour à ma tante que c’était honteux de faire partie de la
Résistance, car il connaissait des faits inadmissibles, et, il faisait à ce moment
allusion au cambriolage du bureau de tabac de Saint-Maugan. Pour mon compte,
j’estime que M. Bobet devrait être honteux de s’être introduite dans un Comité
de Libération, après avoir renié la Résistance du temps de la présence des
boches ; pour avoir trafiqué avec ces derniers, leur avoir fabriqué et
vendu du pain blanc, pendant que les Français mangeaient du pain noir. Lecture
faite persiste et signe. »
M. Bourdois
Ferdinand, 48 ans, commerçant rue de Montfort à Saint-Méen, déclare : « Je connais Bobet depuis son arrivée à
Saint-Méen, soit une vingtaine d’années. A son arrivée ici, Bobet était dans
une situation de fortune très précaire (…) Je lui ai ainsi rendu bien des
services. Depuis ce temps Bobet a gagné beaucoup d’argent, principalement
pendant l’occupation allemande car il a vendu du pain au prix de 8 francs le
kg. Il fabriquait également des petits pains blancs qu’il vendait aux boches
tous les dimanches matin à un prix lui laissant certainement de très gros
bénéfices. Car Bobet s’est flatté dernièrement d’être à même d’acheter une
propriété importante que celle qu’il possède à Saint-Méen. Plusieurs fois Bobet
m’a demandé de lui prêter mon camion ainsi que mon cheval et ma voiture pour
aller lui chercher de la farine dans différents moulins de la contré.
J’ignorais à ce moment que la farine ainsi ramenée servait à faire du pain
blanc pour les boches ou le marché noir. Bobet fait actuellement partie du Comité
de Libération de Saint-Méen et s’y est mis je crois de sa propre initiative,
sans doute pour couvrir ses actes irréguliers et ses malhonnêtetés vis-à-vis de
ses compatriotes. Lecture faite, persiste et signe. »
M. Pierre
Chevalier, 57 ans, La Ville Béchu en Saint-Méen, déclare : « Vers juin ou juillet dernier, sans que je
puisse préciser la date, le fils de M. Bobet, boulanger à Saint-Méen est venu
chez moi me demander de lui prêter ma remorque pour qu’il aille chercher de la farine
dans un moulin de Saint-Malon. Je la lui ai donc prêtée, mais si j’avais su à
ce moment, comme je l’ai appris par la suite que la farine était destinée à
faire des petits pains pour les boches, il n’aurait certainement pas eu ma
remorque. Lecture faite, persiste et signe. »
M. Jean
Guérinel, 27 ans, boulanger, rue de Monfort, Saint-Méen, déclare : « Je connais Bobet Louis depuis trois ans
environ, époque de mon arrivée à Saint-Méen. J’ai eu assez longtemps des
relations commerciales avec lui et souvent il nous est arrivé de nous rendre
mutuellement service. Bobet est venu me trouver vers juin ou juillet 1944 et
m’a demandé de vendre mon pain au prix de 8 francs le kg, au lieu de 4 francs, prix
officiel. J’ai refusé catégoriquement de suivre ses conseils et depuis il n’a
plus remis les pieds chez moi. Il m’a à ce moment traité de
« merdeux » et a dit que s’il n’y avait que des gens comme moi sur la
place de Saint-Méen, j’aurais pu crever de faim (…) Lecture faite persiste et
signe. »
M. Hyacinthe
Loriault, 31 ans, boulanger, rue de Dinan, Saint-Méen, déclare : « Bobet est loin d’être un inconnu pour moi. Nous
avons souvent eu l’occasion de nous rendre service, quand l’un de nous n’avait
plus de farine, il s’adressait à l’autre et la rendait par la suite. Vers le
mois de juin 1944, Bobet et moi nous sommes fâchés au sujet de la soudure que
nous arrivions difficilement à faire. Bobet parcourait journellement la campagne
pour acheter du blé. Il me dit un jour, chez moi, avant notre brouille que
chaque mois, il vendait pour (…). Bobet m’a également demandé à plusieurs reprises
en 1944, de vendre, comme lui, le pain de 1kg500 au prix de 12 francs, au lieu
de 6 francs, mais j’ai toujours refusé de vendre mon pain à un prix supérieur à
celui de la taxe. Lecture faite, persiste et signe. »
M. Emile
Bernard, 50 ans, retraité de la Préfecture de police de Paris, vice-président
du Comité d’épuration de la société Grammont, 11 rue Raspail à Malakoff, déclare :
« Au cours des étés 1943 et 1944, je
suis venu passer mes vacances à Saint-Méen. J’ai eu l’occasion de prendre du
pain chez M. Bobet. Il m’a fait payer le pain exactement le double du prix
normal, soit 24 francs le pain de 3 kg. Je ne me suis pas plaint à l’époque car
ma famille avait besoin de manger à Paris, mais j’estime que cette façon d’opérer
mérite une sanction grave, surtout envers un individu s’étant fait nommer dans
le comité de libération. Lecture faite, persiste et signe. »
M. Valotaire Jean,
entrepreneur de transport à Saint-Méen : « Au mois d’avril 1943, alors que j’étais client chez Bobet, je me suis
rendu un jour chez lui pour y prendre du pain. Il m’a dit qu’il n’y en avait
pas, or je suis certain qu’il y en avait, car devant moi il venait de servir un
soldat allemand cantonné à Saint-Méen et connu sous le nom de Jacob. Ce pain
lui a été remis sans réclamation de ticket de la part de Bobet, mais je ne puis
vous dire à quel prix il a été livré. J’ai fait remarquer à Bobet que ce qu’il
faisait n’était pas bien, mais il m’a répondu que je n’avais qu’à aller
chercher du pain ailleurs. Depuis ce jour je ne suis jamais retourné chez
Bobet. »
Quoi qu’il en
soit de la sincérité de ces accusations, dans le dossier d’enquête, qui se
trouve aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, il est indiqué que la
boulangerie avait fait l’objet de deux PV de la part du Contrôle économique
sous l’Occupation. Louis Bobet, on s’en doute, va protester de sa bonne foi
auprès des gendarmes : « En
juin et juillet 1944 j’avais beaucoup de clients de la campagne faisant cuire
leur pain sous le régime de l’échange, c’est-à-dire que le cultivateur
m’apportait le blé en échange de pain, car il n’avait pas droit aux feuilles de
tickets de pain. J’ai donc été maintes et maintes fois obligé de faire
transporter ce blé chez de chez moi au moulin et de ramener la farine chez moi,
pour faire le pain des échangistes.
Il est exact que j’ai vendu du pain sans
tickets et au-dessus le de la taxe, pour les raisons suivantes : en juin
et Juillet 1944, principalement, les rations de pain ayant été très réduites,
j’ai, sur la demande de clients vraiment malheureux de se trouver sans pain, du
me procurer du blé directement chez le cultivateur. Bien que je n’ai jamais
payé le blé plus cher que le prix fixé, je devais le faire moudre et le
transporter à mes frais, sans bénéficier de la ristourne, de ce fait le prix de
revient était beaucoup plus élevé, et dans ces conditions il ne m’était pas
possible de vendre 6 francs un pain qui m’en coutait 10. J’ai donc vendu d’une
façon générale pendant cette période le pain au prix de 10 francs le 1 kg 500
et exceptionnellement 12 francs pendant 15 jours. Je m’élève avec indignation
contre l’accusation infâme d’avoir fabriqué et vendu aux Allemands des petits
pains blancs et à plus forte raison avoir dit « Que je leur faisais du
pain, mais que je le vendais au prix fort ». J’ai fait 2 fois, par
réquisition, des petits pains blancs pour les Allemands. Ils amenaient eux-mêmes
la farine blanche et le sel ; je faisais payer la panification. »
L’instituteur
Launay, qui certifie que Louis Bobet faisait bien partie de son groupe vers le mois d'avril 1944, et le nouveau maire de la commune vont heureusement intervenir en faveur
du boulanger. Finalement, le Comité Départemental de la Libération, réuni en
séance le 8 août 1945 « Appelé à se
prononcer sur le cas de M. Louis Bobet, boulanger et membre du Comité de
Libération de Saint-Méen-le-Grand. Constatant que d’après le document ci-joint,
M. Bobet « est d’accusé par des collaborateurs notoires » émet le vœu
que « l’affaire soit classée ». C’est le Commissaire de la
République, après un vœu émit par le CDL, qui décide en dernier ressort si le
dossier doit être transmis ou non à la justice. Il n’y aura pas d’instruction
judiciaire et l’affaire sera classée sans suite.
(1) L'Alsacien Émile Scharwath, international de football, entre deux match au Stade Rennais, fera office d'interprète à la Gestapo de Rennes. Il sera formellement reconnu par des résistants lors des "interrogatoires" pratiqués rue Jules Ferry.
(2) La guerre et la Résistance dans le sud de l'Ille-et-Vilaine, René Chesnais, p. 366.
(1) L'Alsacien Émile Scharwath, international de football, entre deux match au Stade Rennais, fera office d'interprète à la Gestapo de Rennes. Il sera formellement reconnu par des résistants lors des "interrogatoires" pratiqués rue Jules Ferry.
(2) La guerre et la Résistance dans le sud de l'Ille-et-Vilaine, René Chesnais, p. 366.