Le 70ème anniversaire
de la libération de Rennes a été marqué par de nombreuses cérémonies
officielles, avec leurs cortèges de détachements militaires et retentissantes
Marseillaises. Le Chant des partisans aurait été tout aussi apprécié, notamment
lors de l’hommage particulièrement émouvant rendu aux déporté(e)s du
« convoi de Langeais », parti dans la nuit du 3 au 4 août 1944. Ces
commémorations ont également permis d’évoquer de grandes figures de la Résistance
rennaise, victimes de la barbarie nazie. Ces hommes et ces femmes, résistants
de la première heure qui ont donné leur nom à plusieurs rues de la ville, ont
fait l’objet de nombreuses communications. Moins connus, voire totalement
ignorés, sont les Rennais qui ont agi dans l’ombre de manière spontanée et
solitaire. Sans armes ni explosifs, ces patriotes anonymes ont commis des actes
de sabotage apparemment minimes : câbles téléphoniques coupés, pneus
crevés, réservoirs d’essence vidés, etc. mais qui pouvaient être lourds de
conséquences. Inconnus des mouvements de résistance, ils n’ont souvent jamais
fait de démarches pour obtenir un titre de reconnaissance officielle à la
Libération. Démarche qui n’était pas évidente, puisqu’il fallait avoir
appartenu pendant trois mois au moins, avant le 6
juin 1944 et dans la zone occupée à une organisation de résistance homologuée. Il
faut cependant croire que l’interprétation de cette loi du 25 mars 1949 portant
statut des Combattants volontaires de la Résistance était assez
« souple », puisque le directeur du principal quotidien rennais, qui
n’était membre d’aucun mouvement de résistance, mais qui fut condamné par les
Allemands à quinze jours de prison pour « propagande gaulliste » en
1943, obtiendra sans difficulté la carte de combattant volontaire de la
Résistance. Estimant sans doute qu’une carte sans médaille, cela n’avait pas la
même allure, il écrira à Louis Pétri pour réclamer la Croix du combattant
volontaire de la Résistance.
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Affiche des Archives de Rennes |
Le premier de ces Rennais qui refusèrent de rester passifs devant l’occupation allemande fut le jeune Marcel
Brossier, fusillé le 17 septembre 1940 pour avoir saboté de sa propre
initiative un câble militaire. Quatre années plus tard, dans la nuit du 3 au 4
août, alors que l’entrée des troupes américaines en ville est imminente, Pierre
Pommeret rencontre un groupe de soldats allemands à quelques pas de sa maison,
rue Beaumarchais. Les voisins, terrés dans leurs caves depuis les échanges
d’artillerie entre les Allemands et les Américains bloqués à Maison-Blanche,
entendent claquer des coups de feu puis, mêlée au bruit de la fusillade, la
voix de la victime : « On tire sur moi ! ». Il est 23 heures 30.
Quelques heures plus tard, les 5 ou 6 000 soldats allemands encore présents à Rennes quittent la ville pour se diriger sur Saint-Nazaire par des routes secondaires, sous les ordres du colonel Bartel. Au point du jour, c’est le chanoine Lignel, curé de l’église Sainte-Jeanne-d’Arc,
qui relèvera le malheureux corps transpercé de balles. Que s’est-il passé
exactement ? Que faisait cet homme de 36 ans dans la rue cette nuit-là ?
Difficile de le savoir. Son nom n’apparait dans aucun des dossiers d’enquête
sur les crimes de guerre commis par les Allemands, pas plus que dans les
ouvrages consacrés à cette période de l’histoire de Rennes. D’après le curé,
qui le connaissait bien, Pierre Pommeret s’était de tout temps comporté en
patriote actif : « C’était un passionné de la Résistance ». Dès 1942,
il aurait coupé des fils télégraphiques posés par les Allemands avenue Janvier.
Plus tard, derrière l’église de son quartier, au vu même des soldats ennemis,
cantonnés dans l’école voisine, il sabotait l’installation télégraphique de l’armée
d’occupation. Cette nuit du 3 au 4 août, des mines disposées par les Allemands
ont été subrepticement enlevées par une main inconnue. Était-ce là le motif de
sa sortie nocturne ? Quoi qu’il en soit, Pierre Pommeret, originaire de
Pleudihen, arrivé à Rennes en 1940 pour travailler comme électricien aux
Tanneries de France, laisse une veuve et sept enfants. Sur son acte de décès,
établi le 5 août, figure la mention marginale « Mort pour la
France ». Inhumé au cimetière Saint-Laurent, c’est la dernière victime des
Allemands à Rennes.