
Au mois de mai
1940, Stahl était le chauffeur du commandant d’un bataillon d’infanterie à
Belfort. Au mois de juin 1941, l’unité est envoyée sur le front russe. Stahl y
reste jusqu’en mai 1944. Ayant plus de 40 ans, il est renvoyé en France, à
Pontivy, dans la « Festungs-Stamm Reserve Comp. XXV » comme chauffeur
de camion jusqu’au 4 août 1944, date à laquelle la compagnie se repliera sur la
base de Lorient. Stahl déclare : « Le capitaine Holz a toujours été mon commandant de compagnie. Depuis
longtemps je suis au courant des crimes commis par cet officier dans la région
de Pontivy, car j’ai été témoin des assassinats. Je n’ai pas pu faire cette
déclaration plus tôt car je croyais que le capitaine Holz avait été tué par les
Français au sujet des faits que je vais vous relater. Ayant appris que le
capitaine Holz était en traitement à l’hôpital de Lorient, j’ai de suite averti
le commandant du camp de prisonniers où je me trouvais afin de saisir les
autorités françaises des exactions commises par cet officier. » La
Festungs-Stamm, régulièrement utilisée dans la recherche des « terroristes »,
est cantonnée à l’École Supérieure des Jeunes Filles de Pontivy. Stahl
ajoute : « Vers la fin de juin
ou début juillet 1944, environ 16 ou 18 patriotes furent fait prisonniers dans
la région de Locminé, il s’agissait de troupes régulières en uniformes kaki,
parachutées la nuit précédente. Ce groupe se composait d’officiers, de
sous-officiers, d’officiers sanitaires et d’un policier français en uniforme. La
compagnie Holz qui avait effectué cette opération a ramené ses prisonniers à
Pontivy, dans le cantonnement de l’école, où une prison avait été aménagée dans
la cave. » Dans une déposition du 30 août 1945, Jean Lahrer, 34 ans,
surveillant général du Lycée de Pontivy, raconte l’arrivée d’un de ces
« terroristes » ou parachutiste : « Je me rappelle très bien que le 15 ou le 16 juillet de l’année passée,
alors que je sortais de la Gestapo de Pontivy, j’ai remarqué qu’une voiture
s’est arrêtée devant la porte de la Gestapo allemande. De cette voiture sont
sortis un feldgendarme, un parachutiste, et un civil armé d’une mitraillette.
Le parachutiste est entré dans les locaux allemands, et dès qu’il fut entré
dans le couloir, il fut bousculé par les Allemands, et battu à coups de pieds
et de mitraillette. Environ deux heures après, le parachutiste est ressorti de
la Gestapo, entièrement débraillé, n’étant plus qu’une loque humaine,
paraissant complètement épuisé ; alors qu’il y était entré très
correctement vêtu, et en bonne condition physique. A l’entrée comme à la sortie
il avait les mains liées avec une cordelette. »
Après la chute du camp de St-Marcel,
le 18 juin 1944, les Allemands multiplient les opérations de ratissages pour
retrouver les FFI et parachutistes SAS. Pendant un peu plus d’un mois, ce ne
sont que rafles, arrestations, tortures et exécutions sommaires dans la région
de Plumelec. Les prisonniers les plus intéressants sont transférés à Pontivy,
où se trouve l’État-major du XXVème corps d’armée du général
Fahrmbacher, dans les bureaux de la Sicherheistdienst
(SD), le service de sûreté de la SS (que les témoins appellent Gestapo), situé
au 49 bis, rue Nationale. C’est là que Fischer, un policier du SD de St-Brieuc, et
Wenzel, du SD de Lorient envoyé à Pontivy, mènent leurs « interrogatoires ». Il faut
également ajouter l’équipe des agents français de la Front Aufklärung Truppe (FAT), parmi lesquels les sinistres Zeller,
Gross et Munoz, les seuls à avoir été jugés à Rennes puis fusillés. Parmi ces prisonniers de l’EPS, on
trouve le chef de la Résistance Mathieu Donnart, alias colonel Poussin,
accompagné des deux gendarmes Pierre Mourisset et Jean Jamet, ainsi que deux
opérateurs radio, arrêtés le 27 juin à Bubry. Donnart et Jamet seront fusillés
le 29 juillet à Pluméliau. L’arrivage le plus conséquent, qu’évoque Stahl, doit
être celui du 14 juillet, dont faisait partie le lieutenant FFI Pierre le
Bihan : « Arrêté le 14 juillet
après la découverte d’un dépôt d’armes à St-Guyomard. Conduit le soir même à
Pontivy, je fus enfermé avec 10 camarades dans un cachot absolument obscur et
humide où je restai quatre jours, les mains toujours menottées. Le jeudi 20
juillet je fus interrogé par les miliciens. Parce que je refusais de donner les
noms des hommes de ma section et de reconnaître ma qualité de lieutenant FFI,
je fus bastonné par eux pendant une heure et demie. Les camarades Le Mouée et
Gustave Cléro, arrêtés le même jour que moi, ont subi les mêmes traitements.
Restés à Pontivy le 28 juillet, ils ont été fusillés le 29 juillet à Pluméliau.
Au passage à Locminé, nous avions vu monter dans le même camion que nous :
le lieutenant FFI Alain Le Cuillier ; les deux frères Le Grégam, de
Séné ; Mahieux, boucher de Guéhenno ; le sous-lieutenant parachutiste
Gray ; et Gillet, restaurateur à Guéhenno. Tous à l’exception du dernier,
avaient été torturés et semblaient beaucoup souffrir. Le sous-lieutenant Gray
après avoir subi la bastonnade comme tous les autres avait été noyé dans un seau
d’eau à deux reprises. J’ai su par la suite que le lieutenant Le Cuillier et
les deux frères Le Grégam avaient été fusillés après avoir subi de nouvelles
tortures. » Pierre Le Bihan et Gustave Cléro ont été arrêtés le 14
juillet 1944 à St-Guyomard, François Le Mouée le même jour à Sérent, après la
découverte d’une liste de dépôts d’arme trouvée par les Allemands lors de la
capture du lieutenant Marienne à Plumelec le 12 juillet. Alain Le Cuillier, les
frères Le Grégam, Mahieux et Gillet ont été arrêtés à Guéhenno dans la nuit du
11 au 12 juillet. Le sous-lieutenant Gray le 11 juillet au matin à Lizio. Tous
ont été emmenés aussitôt après leur arrestation à l’école de Locminé, pour y
être interrogés et torturés une première fois par le SD et les Bretons de la Bezen
Perrot. Le 14 juillet au soir, ces prisonniers sont transférés de Locminé à
Pontivy, pour y subir de nouveaux interrogatoires. En effet, le colonel
Bourgoin leur ayant échappé le 11 juillet à Guillac, les Allemands ne
désespèrent pas de pouvoir localiser son nouveau refuge en faisant parler les
officiers parachutistes. Les interrogatoires vont durer jusqu’au 17 juillet au
soir. Le lendemain 18, Stahl est appelé dans la cour de l’EPS : « Les jours suivants, j’ai remarqué ainsi que
mes camarades que ces prisonniers furent interrogés. Quatre ou cinq jours plus
tard, je reçu l’ordre de l’adjudant Muller de me rendre vers 14 h dans la cour
de l’école avec mon camion. J’étais accompagné d’autres soldats qui comme moi
avaient reçu le même ordre. Nous n’avions aucun renseignement précis sur le
motif de ce rassemblement. Sur une des voitures, les 16 prisonniers furent
chargés, après environ 30 mn d’attente la colonne se mit en marche. »
Un problème se pose en lisant cette déposition. Stahl parle en effet de 16 prisonniers,
alors que 14 corps seront retrouvés à Rimaison. Un an après les faits, il est
possible qu’il se soit trompé. On objectera qu’en 30 mn d’attente, il a tout de
même eu le temps de compter les hommes montés dans le camion.
Quoi qu’il en
soit, la colonne comporte une 1ère voiture avec le capitaine Holz et
deux membres du SD, dont Stahl ignore les noms (Il s’agit de Fischer et de
Wenzel) ; une 2ème voiture avec un chauffeur et 8
soldats ; un camion bâché de 3 tonnes « recouvert d’une bâche, il transportait un sous-officier allemand et les
16 prisonniers qui avaient les mains liées derrière le dos » ; une
4ème voiture avec un chauffeur et 8 soldats ; une 5ème
et dernière voiture conduite par Stahl et 8 autres soldats. Dans un premier
temps, Stahl pense qu’il s’agit de conduire ces prisonniers à Vannes pour y
être jugés. « Après avoir parcouru 5
ou 6 km sur la route de Lorient, la colonne s’est arrêtée. Holz est descendu de
voiture avec les deux SD. Tous les trois sont allés dans les champs environnants,
le chauffeur du camion est resté au volant. Le convoi s’est arrêté sur une
petite route prenant naissance à notre droite, les voitures étaient dans le
même ordre qu’au départ et le camion qui conduisait les prisonniers a stoppé
juste à la hauteur d’un petit chemin de terre, à gauche et qui pénètre dans un
petit bois. Trente minutes plus tard, la capitaine Holz et les SD sont revenus,
ayant sans doute trouvé un terrain propice pour l’accomplissement de leurs
intentions. » En fait, les Allemands se sont absentés plus de 30 mn.
Ils se sont dirigés vers la ferme proche des
ruines du château de Rimaison, tenue par Jeanne Le Gal, 44 ans, qui
témoigne lors de sa déposition du 7 février 1946 : « C’est le 18 juillet 1944, vers 13 h que 14
patriotes et parachutistes ont été fusillés par les Allemands à environ 300
mètres de mon domicile. Les allemands sont arrivés en camion de Pontivy. Ils se
sont arrêtés dans la vallée et ils se sont répartis dans la campagne. Certains
d’entre eux gardaient toutes les issues aboutissant au lieu de stationnement,
pendant que d’autres fouillaient entièrement ma demeure et toutes les
dépendances. L’officier nous reprochait d’avoir hébergé des patriotes. Ils nous
ont demandé où se trouvait le souterrain et le chemin qui y conduisait. Je leur
ai montré, ils l’ont fouillé croyant trouver des armes. Après leurs recherches
infructueuses, ils sont partis vers les camions et c’est à ce moment que j’ai
entendu plusieurs rafales de mitraillettes. Personne n’a pu assister à cette
scène lamentable du fait que les Allemands avaient pris toutes les dispositions
nécessaires pour empêcher les gens d’approcher. Du reste on ne pouvait supposer
qu’ils fusillaient des français. Les gens pensaient plutôt qu’il s’agissait
d’une échauffourée avec les maquisards. » Effectivement, les soldats
reçurent l’ordre d’établir un barrage et Holz désigna l’emplacement de
sentinelles à une vingtaine de mètres de part et d’autre du convoi. Stahl est
toujours au volant de son véhicule : « Le sous-officier et les autres soldats furent placés à droite de la
colonne et d’autres à gauche à l’intérieur du bois à environ 6 pas de la route,
à l’intérieur du chemin de terre. Un buisson situé sur la droite dissimulait un
SD armé d’une mitraillette anglaise, en face, le deuxième SD se cachait dans un
autre buisson et était également armé d’une mitraillette anglaise. Le capitaine
Holz se tenait à l’embranchement. Voyant ces mesures et ce dispositif, nous
avons pensé que les prisonniers allaient être exécutés. A la suite de la mise en
place du dispositif de barrage, le capitaine Holz a fait descendre les
prisonniers un par un, et les appelait en disant : « Le
suivant ». L’exécution a du se passer de la manière suivante : le
premier prisonnier descendant du camion, les mains toujours liées, Holz le
faisait marcher dans le petit chemin. Lorsque la victime était à quelques pas
des SD, l’un de ces derniers tiraient dans le dos du Français et aussitôt après
on entendait un second coup de feu qui devait être le coup de grâce. Après Holz
appelait un autre prisonnier qui subissait le même sort. Cette scène s’est
répétée jusqu’au dernier qui était le policier. A vrai dire, aucun de nous n’a
vu exactement les diverses exécutions et ce que je viens de vous déclarer n’est
qu’une déduction. En effet, aucun des chauffeurs ne devait sortir de sa
voiture. Après l’exécution le capitaine Holz est allé dans le petit chemin et a
dû s’approcher des cadavres. Dix minutes plus tard il est revenu avec les SD et
a donné ordre de partir vers Pontivy où nous sommes arrivés vers 5 heures. La
durée de ces exécutions a été de 45 minutes environ, je ne sais pas ce que les
cadavres sont devenus et s’ils ont été enterrés, je ne le crois pas et c’est ce
qui m’a outré de les voir abandonnés ces cadavres, mes camarades avaient le
même sentiment. Nous n’avons pas assisté aux exécutions, mais il est certain
que nous avons vu chaque français descendre de la voiture, les mains liées
derrière le dos, que nous avons entendu des coups de feu, qu’aucun des Français
n’est revenu et que les SD ont rapporté des chaussures, des montres et des
bagues qu’ils se montrées les aux autres. Je ne peux pas certifier si le
capitaine Holz portait le même butin. En tout cas, je rends le capitaine Holz
responsable de ces exécutions sans jugement. »
Sans autre
forme de procès, des officiers français, revêtus de leur uniforme, ont donc été
exécutés d’une balle dans le dos. Ce qui est contraire à toutes les lois de la
guerre. Zeller, qui avait déjà procédé de la même manière à Kerihuel contre les
SAS de Marienne, avait déclaré au juge qu’un officier allemand lui avait
dit : « Que je n’avais qu’à
faire comme lui et exécuter les ordres qui m’étaient donnés. Cet officier me
précisa qu’un ordre absolu et général prescrivait d’exécuter sans délai les
civils armés et même les parachutistes en uniforme capturés à plus de dix
kilomètres au-delà des lignes, les uns et les autres étant considérés comme des
francs-tireurs. » Rappelons également l’article 10 de l’armistice
franco-allemand du 22 juin 1940, qui prévoit que : « Le gouvernement français interdira aux
ressortissants français de combattre contre le Reich dans les armées d’Etat qui
se trouvent encore en guerre avec celui-ci. Les ressortissants français qui ne
se conformeront pas à cette prescription seront traités par les troupes
allemandes comme des francs-tireurs. »
Visiblement,
personne n’a cherché à aller voir de plus près ce qui s’était passé à cet
endroit, puisque c’est seulement le 29
juillet que les corps seront découverts par un couple d’agriculteurs, intrigués
par une odeur pestilentielle, alors qu’ils moissonnaient dans une prairie
voisine. Ce jour-là, Jean Lahrer, qui est également le responsable de la
Croix-Rouge locale, reçoit vers 10 h 30 un appel du sous-préfet de Pontivy
l’avisant que 14 corps se trouvaient au lieu-dit Rimaison. Il se rend
immédiatement sur place, retrouve le secrétaire général de la sous-préfecture
et quelques membres de la Croix-Rouge de Bieuzy. De retour à Pontivy, il se
rend à la Feldgendarmerie pour demander l’autorisation d’inhumer les
corps : « Vers trois heures
l’équipe était à pied d’œuvre, et nous avons commencé l’identification, la mise
en bière, et le transport des corps au cimetière de Bieuzy. C’est au cours de
l’identification que j’ai reconnu le corps du parachutiste Fleuriot,
sous-lieutenant au 4ème Bataillon, comme étant celui que j’avais
aperçu le 15 juillet 1944, à l’entrée de la Gestapo. Nous avons pu reconnaitre
également les corps du lieutenant De Kerillis (dit Skinner), du sergent-chef
parachutiste André Cauvin, des nommés Claustre (dit Castagne), Mourisset,
gendarme à la brigade de Quimperlé, et de neuf patriotes, dont un, non encore
identifié, pourrait être le lieutenant parachutiste Gray, fait prisonnier par
les Allemands, alors qu’il était en mission, et en civil. Je ne puis vous dire
à que endroit ces parachutistes et patriotes ont été exécutés, mais vu la
position des corps, tout laisse supposer qu’ils ont été jetés là, et entassés
alors qu’ils étaient déjà morts. Je puis vous dire que de nombreux corps
étaient affreusement mutilés, et portaient des traces de coups, ce qui laisse
supposer que tous avaient été torturés avant d’être fusillés. De plus tous ont
été fusillés d’une balle dans la nuque. »

Lors de l’instruction de son procès
– il sera jugé le 13 mai 1946 – le juge soupçonne Zeller d’avoir participé à ce
crime. Le 1er mars 1946, la question lui est posée : « Avez-vous participé avec les autres FAT à
l’exécution de 14 hommes, dont un certain nombre de parachutistes à Rimaison le
18 juillet 1944 ? » Réponse de l’inculpé : « J’affirme que je n’ai même pas eu connaissance
de cette exécution. Je ne puis donc rien vous dire à cet égard. » Le
juge insiste : « En outre ces
trois hommes étaient détenus à Pontivy. Fleuriot et De Kerillis y avaient été
emmenés après leur arrestation le 14 juillet. Le même jour, le convoi avait
pris Grey à Locminé pour l’emmener à Pontivy. Ces trois hommes se trouvaient à
la disposition des FAT et des SD à la prison de Pontivy. Ils ont
incontestablement été interrogés dans l’immeuble de la rue Nationale entre la
date où ils sont arrivés à Pontivy : 14 juillet au soir, et la date de
leur exécution : 18 juillet au matin. Leur témoignage pouvait en effet
être très utile. Il résulte d’ailleurs de la déclaration du témoin Lahrer que
Fleuriot a été interrogé dans l’immeuble de la rue Nationale le 15 ou le 16
juillet pendant une heure et demie environ et qu’il a été torturé. Il semble
donc invraisemblable que vous n’avez pas été au courant du sort réservé aux
trois parachutistes en question et que les FAT n’aient pas participé à leur
exécution, comme ils l’ont fait un peu plus tard au Rodu en Pluméliau. »
Zeller, qui ne se fait aucune illusion sur son sort, a cette stupéfiante
réponse : « Le vrai peut n’être
pas vraisemblable. » On ne sait pas si Zeller et ses comparses étaient présents sur les lieux mais, sachant qu'ils ont souvent endossé l’uniforme allemand lors de certaines
opérations, comme ce fut le cas à Pluméliau le 29 juillet, jour de la
découverte des corps de Rimaison, c’est tout à fait plausible.
Au mois de
février 1946, le témoin Jean Lahrer doit se rendre au camp de la Motte au
Chancelier pour être confronté aux PGA qui étaient présents à Rimaison : « Il y a quinze jours j’ai été mis en présence
d’Allemands ayant fait partie de la garnison de Pontivy, et en particulier d’un
chauffeur nommé Stahl et du capitaine Holz, ce dernier coupable des crimes de
Rimaison. Ainsi donc la brute sanguinaire paiera son forfait. Inutile de vous
dire mon état d’âme quand j’ai eu sous les yeux cette brute abjecte, reniée par
son chauffeur, qui devant son cynisme et ses mensonges, l’a étendu devant nous
à deux reprises de deux coups de poings, l’un « pour les Français
morts », l’autre pour « les copains » et repoussé du pied en lui
crachant à la figure en le traitant de « cochon d’assassin ». Ce fut
je crois la plus belle vengeance, car cet homme arrogant sous les coups
français, en pleura et avoua avoir dépouillé les cadavres et volé une montre en
or, ainsi que le pantalon de Cauvin et les souliers qu’ils trouvaient
« beaux » ainsi que la veste de Kerillis pour faire de l’espionnage
(…) Qu’est devenu le parachutiste encore présent à l’EPS le 28 juillet,
jusqu’ici nous n’avons rien pu tirer du capitaine Holz qui prétend ignorer les
noms de ceux qu’il avait exécuté à titre volontaire, mais ne veut donner
d’autres précisions que « Les SD me les désignaient[1] ».
Ce parachutiste, encore présent le 28 juillet, donc susceptible d’avoir été
fusillé le 29 à Pluméliau, est cité par le résistant Jacques Bruhat, de
Pontivy : « Monsieur Bruhat a
eu comme voisin de cellule un jeune parachutiste dont il ignore le nom mais
dont le père aurait été fonctionnaire en Algérie. Ce parachutiste âgé d’environ
20 ans se serait rendu d’Algérie en Angleterre. Fait prisonnier en costume
civil, aurait passé un moment donné dans le Finistère avant sa capture. A
quitté l’EPS en compagnie de son camarade de cellule Émile Le Berre de Plémet,
le 18 juillet 1944. Le Berre fusillé à Rimaison ce même jour, on peut supposer
que ce parachutiste se trouverait dans les 14 corps trouvés à Rimaison. Monsieur
Bruhat signale également avoir eu comme compagnon de captivité un lieutenant
parachutiste capturé à St-Marcel. Il en connait les renseignements
suivants : Israélite, originaire d’Algérie, avocat à Paris dans le civil,
très grand et très brun, portant l’uniforme. On ignore ce que ce dernier a pu
advenir, étant encore à l’EPS lors du transfert de Monsieur Bruhat le 28 juillet[2]. »
Ce témoignage de Jacques Bruhat est curieux. Le seul SAS en civil
était Gray, étudiant en médecine à Paris, il n’a pas été droppé dans le
Finistère, et son père n’était pas fonctionnaire en Algérie. Un autre
parachutiste se trouvait effectivement toujours prisonnier le 28 juillet. Il
s’agit de Charles Flament, originaire du Pas-de-Calais, qui faisait partie du
groupe de Marienne. Capturé le 12 juillet à Kerihuel, il sera interrogé le 20
juillet à Pontivy, puis exécuté le 29 à Pluméliau.
Qu’adviendra-t-il
de Walter Holz, fait prisonnier à Lorient le 10 mai 1945 ? La procédure a
été suivie d’abord devant le tribunal militaire permanent de Rennes jusqu’à sa
suppression en décembre 1947, puis devant celui de Paris. Le 28 mars 1949, le
juge militaire rend l’ordonnance suivante : non-lieu pour Fischer et
Wenzel, au motif qu’ils étaient déjà poursuivis pour ce fait, entre autres
crimes, dans le cadre de la procédure suivie contre le SD de Rennes, dont
dépendait celui de Pontivy. De toute façon ils sont en fuite. Le 17 mai 1949,
la chambre des mises en accusation renvoyait Holz et autres inculpés devant le
tribunal militaire permanent de Paris pour être jugés sur les crimes de guerre
sur cette affaire de Rimaison. Le 28 janvier 1950, Holz est condamné à la peine
de mort. Saisi de la procédure, après deux arrêts de cassation successifs, le
tribunal militaire permanent de Marseille, le 14 décembre 1950, déclarait Holz
non coupable de complicité dans la tuerie de Rimaison, mais le condamnait à la
peine de travaux forcés à perpétuité en raison de sa participation à d’autres
crimes. Le 2 mai 1952, par un décret présidentiel, sa peine de TFP est commuée
en une peine de vingt ans. Par un arrêté du 15 mars 1954, Holz est admis à la
libération conditionnelle sous réserve d’expulsion du territoire. Le 29
septembre 1953, un non-lieu est prononcé pour Wenzel, insuffisamment identifié,
alors que Fischer est condamné à mort par contumace. Il aurait été tué sur le
front de l’Est en avril 1945, sans plus de précision[3].
Ajout du 6 octobre 2016.
21 janvier 1946 : PV d'interrogatoire du capitaine Holz.
Je reçus l’ordre du colonel Witt, qui
commandait le XXVème Festungs-Stamm Gruppen de mettre à la disposition du I.C.
une section et un camion pour accompagner deux SD du kommando spécial ; le
camion était destiné à recevoir des prisonniers français. Cela se passait dans
la cour de l’école des filles de Pontivy. Quand je suis arrivé dans la cour,
les voitures et les soldats étaient prêts, mais je ne sais pas si les
prisonniers avaient déjà pris place dans leur automobile. Les SD Fischer et
Werner étaient auprès de celle-ci. L’un d’eux s’approcha et me montra sur la
carte un château en ruines où il avait l’intention d’aller ainsi que le chemin
que nous devions suivre. Ayant moi-même l’intention de visiter le château, je
décidai de les accompagner. La colonne se mit en mouvement au début de l’après-midi.
En cours de route, le SD qui avait pris place avec moi dans ma voiture se vit
demander par moi ce qu’il avait l’intention de faire de ces civils. Il m’a
montré une liste de noms et m’a dit : « Ceux-ci seront
fusillés ». Je lui ai demandé pourquoi ; il m’a répondu que c’était
un ordre du Politzei-Führer SS de Rennes.
En cours de route nous avons longé
le Blavet au sud de Pontivy, puis nous nous sommes arrêtés en face d’une petite
ferme située à 3 ou 4 km de là où des armes devaient être cachées. Les 2 SD, 5
ou 6 de mes soldats et moi-même, avons donné un coup d’œil. Sur l’ordre d’un
des SD nous sommes repartis aussitôt et nous avons continué jusqu’au vieux
château. Je crois que nous sommes restés environ une heure dans cet endroit.
Les soldats et les SD ont cherché des armes dans ce château puis sont repartis
avec une voiture pour chercher le lieu où devait se passer l’exécution. Pendant
ce temps je suis monté à une tour de château. Une demi-heure après les SD sont
revenus et m’ont dit que nous pouvions y aller, que tout était en ordre.
La colonne s’est donc mise en
mouvement et nous nous sommes arrêtés à environ 1, 5 km de là. Nous sommes tous
descendus de voiture. Je suis allé avec les deux SD à l’endroit désigné et je
suis revenu quelques instants plus tard et ai placé les soldats au-delà de la
route et à ses deux extrémités, puis l’exécution a commencé ; elle a duré
25 minutes. Ces français ont été exécutés l’un après l’autre. Je ne puis vous
dire exactement combien ils étaient, mais je crois qu’il y en avait huit ou dix.
Je ne puis non plus vous indiquer s’il y avait des parachutistes et un gendarme
parmi eux.
Après l’exécution je suis allé avec
les SD et un ou deux sous-officiers dont Eggert, sur les lieux de l’exécution
et j’ai demandé aux SD : « Que va-t-on faire de ces
cadavres ? » Ils m’ont répondu : « Le Maire du pays s’en
occupera, c’est un ordre et nous faisons toujours ainsi ». Un des cadavres
avait une chainette au bras, quia été enlevée par le SD Fischer, puis nous
avons rejoint nos voitures et sommes rentrés à Pontivy. Je me rappelle qu’un
français a été tué à l’EPS de Pontivy par le caporal Redemund, mais je ne sais
pas où il a été enterré, c’est la Feldgendarmerie de Pontivy qui s’en est
occupé. A Lorient j’ai appris que peu de temps avant notre départ de Pontivy,
l’un des détenus de l’EPS a été tué par
l’adjudant Egert.
18
février 48. Déposition de Jean Jourdren, Douarnenez.
« Mon
neveu Robert Jourdren a été arrêté le 29 juin 1944 à St-Trémeur en Bubry avec
le lieutenant Jamet, le colonel Donnard le gendarme Mourisset, et un autre
homme originaire d’Afrique du Nord. Aussitôt après leur arrestation ils ont été
conduits à l’Eps de Pontivy. Mon neveu est resté à Pontivy jusqu’au 18 juillet.
Ce jour là, il a été transporté en camion à Rimaison ou il fut exécuté par les
allemands. Le gendarme Mourisset ainsi que le Nord-Africain furent fusillés en
même temps que lui. » Ce Nord-Africain est le jeune résistant Claude Sendral, né à Rabat au Maroc.
Des
bracelets plaques d’identité d’hommes ont été trouvés dans la terre du jardin
de Mlle Le Cadre, 49 bis rue Nationale à Pontivy, immeuble qui était
réquisitionné par les Allemands de la Gestapo.
- André Cauvin sur l’avers. Au revers :
31/10/12 C/OXEKN. 193/1. Il s’agit d’une plaque rectangulaire de 32 mm sur 12 mm,
constituée par un métal ayant l’appartenance de l’argent. Le bracelet est une
chaine à maillons ovales et robustes du même métal.
- Castagne L. n° 2.000. 359-C, sur l’avers.
Aucune inscription au revers. Figurant sur une plaque en carton comprimé, de
couleur rouge-brique de forme ronde de 35 mm de diamètre. Ce cercle est percé
excentriquement et dans ce trou est noué un fragment de ficelle.
-
Odienne CI (deux fois) sur l’avers et 1935-10.A 91886 (deux fois) sur le
revers. Plaque d’identité militaire, percée en ligne dans son milieu maintenue
par une chaine ordinaire à laquelle est fixée une plaque en zinc, ainsi qu’en ont
été dotés les prisonniers de guerre en Allemagne, portant l’inscription
Frtstalag 203-6.312.
Je ne sais pas s'il s'agit du même homme, mais sur une liste de résistants homologués FFI, on trouve Odienne André, né le 19 avril 1905 à Criqueville-en-Bessin. On retrouve ce même homme au Frontstalag 203, qui était situé au Mans, soldat 2ème classe du 434ème RP.
Je ne sais pas s'il s'agit du même homme, mais sur une liste de résistants homologués FFI, on trouve Odienne André, né le 19 avril 1905 à Criqueville-en-Bessin. On retrouve ce même homme au Frontstalag 203, qui était situé au Mans, soldat 2ème classe du 434ème RP.
[1]
Extraits d’une lettre du 8 mars 1946 (Archives privées).
[2]
Extraits d’une lettre adressée à la Croix-Rouge en 1945 par Jean Lahrer.